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CH. RICHET. — origines et modalités de la mémoire

On trouvera un bon exemple de cette longue et prolongée vibration des éléments physiologiques dans la forme de contraction musculaire, qui est propre à certains muscles. Que si par exemple on excite un muscle d’Helix. je suppose, dont la longueur était, avant l’excitation, de 0 m. 10, au bout d’une minute le muscle ne sera pas revenu à son état primitif ; il sera de 0,09 ; et, au bout de deux minutes, de 0,095 ; et, au bout de trois minutes, de 0,098 ; et, au bout de quatre minutes, de 0,099 ; au bout de cinq minutes, de 0,0995. Ce n’est qu’au bout de dix ou quinze minutes qu’il aura retrouvé sa longueur primitive de 0,10 ; c’est à dire son état normal avant l’excitation.

Pour le système nerveux, nous n’avons pas la ressource de pouvoir enregistrer un mouvement aussi facilement mesurable. Il faut employer des moyens détournés, si nous voulons nous rendre compte des effets consécutifs à une excitation brève. Que l’ébranlement du système nerveux persiste aussi longtemps, et plus longtemps même que dans le muscle de l’Helix, cela n’est pas douteux.

En définitive, le phénomène de la mémoire élémentaire, c’est la prolongation d’une excitation, ou, ce qui revient au même, un changement d’état moléculaire de la cellule vivante, changement d’état qui persiste longtemps, et qui porte sur la constitution anatomique ou physico-chimique de la cellule, modifiée par l’excitation.

Toute excitation laisse donc après elle une trace qui persiste : mais c’est ici que la différence entre le système nerveux médullaire et le système nerveux psychique est considérable. Pour les cellules nerveuses communes, quand l’ébranlement est terminé, quand la réparation est achevée et complète, par suite du retour des conditions normales de circulation sanguine et de nutrition, il se fait une restitutio ad integrum. La cellule est redevenue identique à ce qu’elle était. Mais cette restitution intégrale n’a pas lieu pour les cellules nerveuses psychiques. Toute excitation a laissé en elles une trace qui est indélébile, ineffaçable. Quelles que soient les conditions ultérieures de l’irrigation sanguine ou de la nutrition, il n’y a pas de réparation totale : le souvenir de l’excitation persiste, En un mot, alors que le muscle et la cellule nerveuse organique reviennent totalement à l’état primitif après l’excitation, la cellule nerveuse psychique ne revient plus à son état primitif. Elle a été, par le fait de l’excitation, modifiée d’une manière permanente, et cette modification ne peut s’effacer qu’avec la mort de la cellule. Chaque excitation a pour ainsi dire créé une nouvelle cellule, différente de la première.

À cet égard, les comparaisons ingénieuses ne manquent pas, et elles nous paraissent, en tant que comparaisons, c’est-à-dire explications schématiques, bonnes à conserver. On a dit que ia cellule