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LES ORIGINES & LES MODALITÉS DE LA MÉMOIRE

ESSAI DE PSYCHOLOGIE GÉNÉRALE


I

De toutes les fonctions psychiques, la mémoire est la plus importante. Sans mémoire il n’y a rien dans l’intelligence, ni imagination, ni jugement, ni langage, ni conscience. On peut dire de la mémoire que c’est la clef de voûte de l’édifice intellectuel.

La mémoire était nécessaire ; car à vrai dire pour l’homme le temps présent n’existe pas. — Est-ce par suite d’une infirmité incurable de notre organisation psychique que nous ne pouvons le concevoir autrement ? — C’est un avenir très prochain ou un passé très récent, de sorte que, si notre existence était limitée au temps présent, elle serait presque aussi vaine comme réalité, que la ligne ou le point en géométrie. Le point n’a pas de dimensions ; de même le temps présent n’a pas de durée ; c’est la limite qui sépare le passé de l’avenir, limite fugace qui se déplace incessamment, augmentant toujours la somme du passé, et diminuant celle de l’avenir.

Cependant cette conception du temps, si vraie qu’elle soit en théorie (et personne ne songera à le contester) se trouve en réalité profondément modifiée par le fait de la mémoire. Grâce à l’organisation de notre système nerveux, le phénomène passager devient durable ; et le temps présent, fixé par la mémoire, persiste, se prolonge et peut reparaître.

Nous disons que le temps présent se prolonge et qu’il peut reparaître. Ce sont là deux fonctions vraiment différentes ; et, quoique le langage n’emploie pour l’une et l’autre fonction que la seule expression de mémoire, il faut faire soigneusement la distinction de ces deux modalités de la mémoire.

Nous chercherons d’abord à déterminer les phénomènes simples, physiologiques, dont le développement conduit aux phénomènes psychologiques complexes.

Soit, je suppose, une excitation forte de la sensibilité, telle qu’une secousse électrique violente. La durée de cette excitation, en tant que phénomène physique, est d’un cent millième de seconde tout