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il est sûr qu’il a été un pessimiste empirique, c’est-à-dire un pessimiste au point de vue de l’état de félicité du monde qui nous est donné par l’expérience. Ce fait suffit pour le proclamer le père du pesimisme.

Johannes Volkelt. — Les Sensations découvertes (Erfundene Empfindungen). À propos des théories de Lotze sur les signes locaux, de Helmholtz et de Wundt sur le sentiment d’innervation, de Stricker sur les impulsions nerveuses, qui supposent la découverte de sensations échappant à la conscience, Volkelt remarque qu’on entend souvent por des « sensations découvertes » quelque chose de purement physiologique ou même de purement physique. La tendance de la psychologie moderne à concevoir les sensations d’après leur occasion physiologique a fait naître tout naturellement le désir de ranger autant que possible les sensations d’après les données physiologiques et les postulats de l’analyse psychophysique. De là résulte cette méprise, d’après laquelle on croit voir se jouer une foule de phénomènes non sentis dans la région obscure et indéterminée du sentant. Le mépris de la psychologie moderne pour la méthode d’observation directe par la conscience ne fait que faciliter encore cette erreur.

R. Eucken. — Leibnitz et Geulinx. E. Pfleiderer, dit Eucken, a traité dans son travail sur Geulinx (A. Geulinx als Hauptvertreter der occasionalistichen Metaphysik und Etik, Tübingen, Fues, 1882) les parties principales de sa métaphysique et de sa morale ; il l’a fait avec profondeur et originalité. Mais il y a un point sur lequel Eucken ne saurait s’accorder avec lui, parce qu’il est d’une importance considérable pour l’appréciation non de la philosophie, mais du caractère d’un des penseurs les plus marquants que présente l’histoire de la philosophie. Pfleiderer soutient, en effet, que Leibnitz a dû connaître Geulinx, qu’il ne le cite jamais alors qu’il s’est beaucoup occupé de l’occasionalisme, que par conséquent, c’est de propos délibéré qu’il l’a passé sous silence, La raison qui l’a fait agir ainsi, c’est qu’il lui était désagréable de trouver en Geulinx un homme qui, comme lui et même avant lui avait trouvé l’harmonie préétablie. Il y a plus : selon Pfleiderer, Leibnitz aurait défiguré d’une manière injuste l’occasionalisme de celui qui a le premier employé l’exemple des horloges, pour le distinguer plus nettement de sa propre théorie. Il ne serait plus possible, dit Eucken, d’avoir aucune considération morale pour un homme convaincu d’avoir agi ainsi. Eucken accorde que Leiïbnitz n’a jamais cité Geulinx : il considère comme très vraisemblable qu’il l’a connu ; il admet enfin qu’il n’a jamais rendu complètement justice à l’occasionalisme, Mais il soutient qu’en général Leibnitz a jugé avec exactitude les rapports de sa doctrine à l’occasionalisme ; qu’eût-il même exagéré les différences, on pourrait l’accuser d’avoir défiguré l’occasionalisme, sans pouvoir conclure cependant qu’il l’a fait de parti pris. En second lieu, si Leibnitz n’a pas nommé Geulinx, cela tient à la manière dont on traitait alors l’occasionalisme, qu’on considérait dans son ensemble, et aussi au peu de considération que Geulinx paraît avoir