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huit objections principales qu’il avait adressées à l’ancien texte, et essaye de montrer qu’elles subsistent, malgré tout ce qu’a pu dire Witte.

E. Caro. — Littré et le positivisme. Dans les chapitres consacrés à l’histoire des travaux et du développement intellectuel de Littré, dit Schaarschmidt qui rend compte de cet ouvrage, l’auteur s’exprime d’une manière très sympathique pour Littré, ce qui paraît d’autant plus naturel que la France, à cette époque d’efforts et de clameurs en vue de la revanche (in diesem Zeilalter der Revanchebestrebungen und des Revanchegeschreies), n’a pas un grand nombre de savants aussi sérieux, aussi richement doués, aussi travailleurs, aussi dignes d’éloges que Littré. Les deux autres chapitres contiennent une critique pénétrante, qui découvre bien les points faibles du positivisme. La dernière partie du livre, consacrée à la critique du livre de Mallock, n’est pas moins importante.

E. Feuerlein. — Kant et le Piétisme. Kant a été élevé a un milieu piétiste, Zeller a montré que Kant y a puisé l’austérité morale et la délicatesse de conscience qui caractérisent la dernière partie de sa vie. Feuerlein étudie d’une façon très intéressante l’influence que le piétisme a exercée sur la direction morale de Kant.

Edouard de Hartmann. — En quel sens Kant a-t-il été pessimiste ?

On a beaucoup combattu et on n’a pas toujours compris le travail dans lequel Hartmann avait présenté Kant comme le père du pessimisme. C’est pourquoi il entreprend encore une fois d’exposer brièvement en quel sens il a voulu faire de Kant le père du pessimisme. Que Kant ne se soit pas déclaré pessimiste, cela n’a rien de surprenant, puisque le mot était alors inconnu. S’il l’avait connu, il aurait sans doute blâmé l’emploi de ce superlatif, mais il aurait renoncé à remplacer cette expression acceptée par celle de Malisme ou de Péjorisme. A-t-il été un pessimiste absolu ? A-t-il accepté une balance négative de plaisir pour tous les êtres ? On peut répondre de diverses manières à cette question en consultant l’ensemble de son système, ou l’écrit de 1791, Sur la non-réussite de tout essai philosophique en théodicée. Une balance du plaisir ou de la douleur serait impossible pour Dieu qui a comme attributs l’intelligence et la volonté, mais non la sensibilité ; en ce sens, la question de l’optimisme ou du pessimisme serait pour Kant un problème mal posé. Dans ses œuvres capitales, Kant professe un optimisme transcendant ; il cherche à détruire le pessimisme d’ici-bas par un optimisme transporté dans une autre vie. Dans le traité cité, il déclare implicitement que son propre essai pour justifier le créateur de la production des créatures n’a pas été heureux. Dans le premier cas, Kant est un adversaire du pessimisme absolu ; dans le second, il cesse de le déclarer faux. En 1791, on peut dire que l’intelligence de Kant inclinait vers le pessimisme absolu, mais que son cœur en demeurait éloigné. Toutefois, s’il n’était pas un métaphysicien pessimiste par rapport au créateur, s’il n’était pas, au point de vue de la création, un pessimiste absolu, quoiqu’il inclinât de plus en plus vers cette dernière doctrine,