Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/554

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
550
revue philosophique

application conforme à la pensée de ceux qui, les premiers, les ont formulées ? Je ne le crois pas, et mon intention est d’établir que les huit règles du syllogisme et par là même les règles des figures, entendues au sens précis d’Aristote et des scolastiques, sont rigoureusement vraies soit en elles-mêmes, soit dans l’application qu’en ont toujours faite les logiciens.

1o Distinguons tout d’abord les termes communs et les termes singuliers. Les premiers ont une extension variable ; par exemple : les hommes, les rois, ces hommes que j’ai sous les yeux, mes domestiques ; et suivant qu’ils sont employés avec ou sans toute leur extension possible, nous les appelons universels ou particuliers. Un terme singulier est celui dont l’extension est absolument invariable, quelle que soit la place qu’il occupe dans la proposition ou dans le syllogisme. Tels sont les termes suivants : Pierre, Paul, Jules, mon père ; le président actuel de la République. D’où il suit que le terme universel ne doit pas se définir en logique : « Celui qui est pris dans toute son extension », ou encore : « Tout terme à extension déterminée », mais : Un terme commun (unum aptum inesse pluribus) pris dans toute son extension.

2o Nous distinguons également deux sortes de propositions particulières : les unes exclusivement particulières (puræ particulares) dont le sujet et l’attribut sont des termes communs :

Quelques hommes sont sages,
Quelques hommes ne sont pas sages ;

les autres particulières mixtes (mixtæ), dont le sujet est commun et l’attribut singulier :

Quelque homme est Pierre,
Un ex-avocat est le président de la République.

Évidemment, et les scolastiques l’ont bien fait remarquer, le principe fondamental : que l’attribut d’une proposition affirmative est toujours particulier, ne doit s’entendre que de la proposition affirmative dont l’attribut est un terme commun. Le terme singulier ne peut jamais devenir particulier, ni universel.

3o Enfin, et j’attire spécialement sur ce point l’attention du néoscolastique, l’école, fidèle interprète du vieil Aristote, distingue encore deux sortes de syllogismes : le syllogisme commun dont le moyen terme est commun et le syllogisme expositoire (expositorius) dont le moyen terme est singulier. On appelle encore ce dernier l’argument sensible, parce que telles en sont l’évidence et la simplicité qu’en l’énonçant nous semblons, non pas démontrer, mais exposer, faire toucher du doigt ce qui se passe sous nos yeux :

Jules est le fils unique de Pierre,
Cet enfant n’est pas Jules,
Cet enfant n’est pas Pierre.

Or, les règles du syllogisme et des figures, prises dans leur ensemble,