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Pour nous résumer, disons que M. Compayré, qui n’a pas voulu faire œuvre de philosophe, est demeuré le savant historien de la pédagogie que l’on connaît.

F. Grindelle.

R. Thamin. — Un problème moral dans l’antiquité. — Étude sur la casuistique stoïcienne. 1 vol.  in-12. Paris, Hachette, 1884.

On ne sait en vérité ce qu’il faut le plus louer dans cet ouvrage, de l’agrément du style, de l’aisance et de la liberté du tour, ou de la parfaite entente du sujet, de l’industrieux emploi des matériaux, du riche fonds de lectures qui fournit à l’auteur tant de rapprochements suggestifs. M. Thamin a fait œuvre d’art plus encore que de science, et son livre emporte d’abord le suffrage des délicats. Si j’osais lui adresser un compliment, qui n’est parfois qu’une épigramme, je dirais qu’il parle des choses anciennes comme si elles étaient modernes, entendant par là, non qu’il en fausse l’esprit, ou qu’il les rajeunit mal à propos, par des procédés suspects, mais bien qu’il les rapproche de nous, qu’il les rend présentes et actuelles par sa vive intelligence du temps, du milieu, des doctrines, par sa sympathie de classique pour les âmes et les œuvres de l’antiquité, par sa pénétration à discerner sous ce qui est accidentel et de surface ce qui dure éternellement, ce qui est de toutes les civilisations et de toutes les consciences.

On se trouve, au demeurant, assez embarrassé lorsqu’il s’agit de donner une idée de ce travail, car il ne se prête guère à l’analyse. Beaucoup de chapitres, et non des moins curieux, sont faits de menues citations adroitement serties dans la trame du discours. L’exposition de la casuistique stoïcienne est présentée tout entière suivant cette méthode, et force était bien de la présenter ainsi, puisqu’il n’en subsiste que des fragments épars dans les écrits des philosophes et des polygraphes, L’auteur a tiré bon parti de ces débris, sans rien ajouter d’ailleurs aux textes déjà connus et relevés par Gataker dans sa précieuse édition de Marc-Aurèle, par Juste-Lipse dans sa Manuductio, par MM. Zeller et Ravaisson. C’est précisément à ce propos que je disais qu’il a fait surtout œuvre d’art. Plus préoccupé du côté scientifique de son sujet, M. Thamin eût probablement essayé sinon de faire la part de chaque période et de chaque homme, ce qui est presque impossible, du moins d’ajouter quelques trouvailles personnelles à la somme des citations courantes sur lesquelles les historiens du stoïcisme ont édifié jusqu’à présent leurs travaux toujours incomplets, et souvent faux. Quand on va aux sources, et qu’on relit les auteurs la plume à la main, il est remarquable combien l’on y rencontre de textes qui, ayant échappé à l’attention des premiers exégètes, demeurent profondément ignorés de leurs successeurs. Mais encore une fois M. Thamin ne se proposait pas de refaire, même pour cette province restreinte, l’his-