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ANALYSES.g. compayré. Pédagogie théorique et pratique.

ral, elles ont pour but de mater la sensibilité de l’enfant en le privant des choses qu’il aime, de même que les récompenses l’excitent, en lui accordant ce qui lui plaît. ».

Il expose bien les opinions des uns et des autres, quant aux pensums, quant aux châtiments corporels, quant aux « réactions naturelles » ; mais il n’a pas fait mention de l’idée de sanction : c’est une omission.

Les omissions sont rares. On peut tout trouver dans le livre, le bon et le meilleur. Nous lisons à un certain endroit cette phrase : « La culture du caractère est le but suprême de l’éducation. C’est, en effet, d’après notre caractère que nous agissons et il vaut encore mieux bien agir que bien penser. Il est vrai que notre caractère dépend surtout de nos sentiments et de nos pensées, » — non pas suivant quelques-uns qui le font dépendre de la volonté, — « il est vrai, en d’autres termes, que l’éducation morale relève en partie de l’éducation intellectuelle, mais l’éducation morale n’en est pas moins la fin dernière de nos efforts. » Et, à un autre endroit, cette autre phrase : « Ce n’est pas l’homme en général qu’il s’agit d’élever, c’est l’homme du dix-neuvième siècle, l’homme d’un certain pays, c’est le citoyen, c’est le Français. »

Elles sont perdues, pour ainsi dire, au milieu de citations dont on n’a que faire. Mais il fallait les prendre pour textes de deux leçons. Amener l’enfant à devenir un homme dans toute la force du terme, à devenir un caractère, n’est-ce pas la grande tâche ? Il s’agit d’élever le Français, le citoyen ! Fort bien, et M. Compayré, qui, faisant relever, en partie (dans l’avant-dernier des passages rapportés}, l’éducation morale de l’éducation intellectuelle, tient compte, sans doute, autant de l’habileté des facultés de l’entendement à s’employer bien que des pensées bonnes résultant de l’emploi déjà fait de ces facultés, eût dû regarder aux moyens de former et de redresser l’intelligence du citoyen, du Français.

Il peut dire avoir travaillé quelque peu à ce que nous appelons la grande tâche, avoir fait, plus d’une leçon, tout son cours, sur les qualités intellectuelles, bonnes ou mauvaises, qu’hérite le petit Français, futur citoyen d’une démocratie. Toute préoccupation des doctrines écartée, en songeant aux dangers que peut courir un pays, quand le peuple, maître du gouvernement, s’abandonne à quelque passion que ce soit, nous avons regretté que M. Compayré fit un aussi grand cas de la sensibilité ; nous eussions aimé le voir deviner le péril et le conjurer lui-même en quelque façon.

Nous avons l’esprit simpliste, nous sommes des logiciens qui déduisons, sans nous embarrasser des difficultés d’application de nos « vérités » ; que n’a-t-il tenté cette analyse psychologique ! Il l’eût bien faite, et pour une meilleure activité intellectuelle, il aurait préconisé la méthode expérimentale, que nombre de rationalistes ne lui en auraient certainement pas tenu rigueur.