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ANALYSES.g. compayré. Pédagogie théorique et pratique.

L’auteur peut faire cette objection : un mot a son sens propre, naturel, étymologique, ou bien acquis, et, entre plusieurs termes qui diffèrent, à tout prendre, par « quelque chose de plus qu’une nuance », user de l’un plutôt que d’un autre, afin de désigner un sujet d’études, c’est en même temps délimiter ce sujet. Il ne convient pas, déclare-t-il précisément, au reste, de trop étendre le domaine de la pédagogie, et, parce qu’il confine, par de certains côtés, à celui de la psychologie, à celui de la morale, qu’il a sur eux comme un droit de servitude, de lui adjoindre presque tout ce qui relève de la philosophie.

Faire cette déclaration, c’est blâmer indirectement le professeur émérite qui a enseigné avant lui, à l’école dirigée par M. Pécaut, mais on peut être assuré qu’il ne lui en a pas peu coûté de sortir de sa réserve très habituelle : il semble adresser un reproche à M. Marion qui a recueilli ses leçons, lui aussi ; qui, pour les publier, ne pouvait prendre de titres mieux justifiés, en effet, que ceux de Notions de psychologie appliquées à l’éducation, de Notions de morale, et il semble adresser le même reproche à d’autres professeurs ; sa déclaration, toutefois, ne vise pas les personnes, elle a une autre portée, elle est faite pour provoquer la reconnaissance de cette « vérité » : la pédagogie se suffit à elle-même.

Cette « vérité », — qu’il ne formule pas nettement, — il l’aurait induite pour avoir, au moment qu’il travaillait à son Histoire de la pédagogie, fait cette remarque que ceux qui se sont occupés d’éducation appartenaient, pour la plupart, à des écoles philosophiques, et ne l’oubliaient pas ; que ceux qui se sont occupés de pédagogie ignoraient, presque tous, les doctrines, et ne s’en souciaient guère ? Ou bien, préparant ses leçons, et hésitant alors, comme toujours, à prendre parti dans les disputes des philosophes, il aurait voulu justifier à sa propre intelligence ses hésitations, et il en serait venu à tenir pour légitime la résolution de ne point chercher de fondement à sa pédagogie ? Nous n’en décidons pas. Les deux mots : éducation et pédagogie, rappellent à son esprit différents soins, évoquent différents noms d’auteurs, cela est hors de doute. Quoi qu’il en soit des motifs, ou mobiles, qui l’ont pu amener à nourrir, sans la confesser, la prétention d’enseigner une sorte de pédagogie indépendante, il ne prouve pas, en enseignant ce qu’il croit bon d’enseigner, qu’il soit un « audacieux ».

Il se garde de critiquer, d’exposer même, les diverses théories émises par les psychologues, les diverses doctrines morales : il se contente, — c’est délibérément, — à propos de la mémoire, de l’imagination, de l’attention, du jugement, du raisonnement, de rappeler ce qu’en ont dit MM. Janet, Perez, et d’autres ; pas d’analyses, de simples descriptions ; et, touchant la volonté, la liberté, il cite Kant assez volontiers. Mais c’est aussi bien en pédagogie pure qu’en psychologie et en morale qu’il se défend d’indiquer ce qu’il pense, lui ; s’il prend grand soin de rapporter toutes les observations des pédagogues, s’il énonce tous leurs préceptes ou conseils, encore ne fait-il qu’opposer l’une à l’autre deux