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ture. Il s’agissait de teindre les métaux en or et en argent, non superficiellement, à la manière des peintres, mais d’une façon intime et complète. De là l’invention d’un principe colorant ou poudre de projection (ξήριον), qui devint la pierre philosophale.

C’est ainsi que des industries égyptiennes naquit l’idée d’une fabrication réelle des métaux et de la transmutation des substances.

Mais l’alchimie n’est pas seulement un art pratique : c’est une science occulte, qui met au service de l’homme les puissances surnaturelles. À ce point de vue, l’alchimie se rattache aux rêveries mystiques des Alexandrins et des Gnostiques. Née au iie et au iiie siècle après J.-C., elle participe des conceptions religieuses et mystiques de cette époque. Nous lisons que les alchimistes rattachaient les origines de leur science à l’Orient : or, la comparaison de leurs croyances avec les religions orientales montre que cette filiation existe effectivement.

Ce sont, selon les traditions orientales, les anges déchus qui révélèrent aux mortels les sciences occultes : sorcellerie, enchantements, propriétés des racines et des arbres, usage des ornements, de la peinture, de la teinture, etc., par où le monde se corrompit et se révolta contre Dieu. Ces anges, est-il dit, mirent à nu aux yeux des hommes les secrets des métaux, et leur firent connaître la vertu des plantes. Ainsi s’expliquait-on les origines de la science. La connaissance des propriétés cachées des choses de la nature, la capacité de transformer jusque dans leur essence spécifique les substances naturelles, ainsi qu’il arrive en apparence dans la préparation des métaux, tout ce qui enchaîne la nature et l’asservit à l’homme, était censé surpasser la puissance humaine et empiéter sur la puissance divine, et était rapporté à l’action d’êtres surnaturels, révoltés contre le créateur. La science était ainsi considérée comme impie : c’était la réalisation, en dépit de la défense divine, de la mystérieuse parole : Eritis sicut dii. Or l’alchimie, dès l’origine, reconnaît de même les anges déchus pour ses patrons, Elle a conscience de son orgueil et de sa désobéissance ; et c’est en ressentant les joies infernales du péché, que ses adeptes cherchent à s’emparer des forces productrices de la nature.

Si l’on examine dans le détail les éléments mystiques qui abondent dans l’alchimie, on en retrouve sans peine l’origine orientale. Le dieu Hermès Trismégiste, inventeur des arts et des sciences chez les Égyptiens, est aussi l’inventeur de l’alchimie. L’art sacré des Égyptiens, avec son langage énigmatique, religieusement obligatoire, avec ses signes hiéroglyphiques, ses mystères et ses initiations, est déjà l’alchimie. Et, de fait, on constate une parenté entre les écrits pseudo-hermétiques et quelques-uns de nos documents alchimiques. Des deux côtés ce sont les mêmes noms de métaux et les mêmes formules. C’est ainsi que le principe hermétique : « l’or engendre l’or, comme le blé produit le blé, comme l’homme produit l’homme, » se retrouve chez les alchimistes du moyen âge.

Les monuments babyloniens et chaldéens relatifs aux sciences occul-