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ANALYSES.berthelot. Les origines de l’alchimie.

Diogène et de Porphyre, lesquelles font l’ἄπειρον d’Anaximandre indéterminé quant à la qualité.

Si M. Berthelot accorde parmi les sources la première place aux textes et traités alchimiques que nous fournissent les papyrus et les manuscrits, il ne néglige pas pour cela les témoignages historiques ; mais il s’en sert pour contrôler les résultats de l’étude directe des monuments. Il cite à ce sujet notamment Pline l’Ancien, Manilius, Columelle, Tacite, Sénèque, Tertullien, Énée de Gaza, Jean d’Antioche, Georges de Syncelle, et une importante encyclopédie arabe écrite vers 850 ; et il montre que les témoignages de ces écrivains confirment l’authenticité des monuments.

À l’aide de cet ensemble de documents et de témoignages, M. Berthelot traite successivement : 1o des sources ou antécédents de l’alchimie ; 2o des personnes ; 3o des faits ; 4o des théories. Voici les résultats principaux de ses recherches.

Il est exact que l’alchimie, qui se manifeste tout à coup, sans racines apparentes, vers le iiie siècle de notre ère, se rattache, et aux pratiques industrielles des anciens, notamment des Égyptiens, et aux rêveries mystiques du monde oriental. M. Berthelot détermine avec précision cette double origine.

Les pratiques métallurgiques et les idées de transmutation des alchimistes ont pris naissance dans les industries d’Égypte et de Chaldée relatives à la préparation des métaux et de leurs alliages, des pierres artificielles et des étoffes colorées. Les Égyptiens ont poussé très loin ces industries. Ils paraissent même avoir eu des laboratoires consacrés aux études sur la fabrication des métaux, des verres et des pierres précieuses. Tant par leurs pratiques industrielles que par leurs recherches de laboratoire, ils acquirent la connaissance d’un grand nombre de transformations entre les substances, et de la possibilité pour l’homme d’imiter plus ou moins complètement certains produits naturels. Or, les anciens n’avaient pas cette notion d’espèces définies, de corps doués de propriétés invariables, qui caractérise la science moderne. Constatant la possibilité d’imiter certains corps, on étendait cette possibilité à tous. On arriva ainsi à ne voir entre le métal naturel et le métal artificiel qu’une différence de degré. Ce dernier était un produit imparfait et inachevé, possédant déjà un certain nombre des qualités du métal parfait et naturel, mais manquant encore de quelques-unes. Il ne s’agissait que de compléter l’imitation, pour obtenir de vrai or, de vrai argent, le métal naturel lui-même. Et l’on avait deux moyens de parfaire ainsi l’imitation. D’abord, de même qu’une certaine quantité de matière fermentée, introduite dans telle substance fermentescible, communique son état à la masse entière, ainsi l’or véritable, mis en contact avec l’or approximatif, devait, pensait-on, lui communiquer sa perfection. De là la croyance à la possibilité de doubler la quantité des métaux précieux (δίπλωσις). Le second moyen de reproduire le métal naturel était la tein-