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dits dits, présentent avec les papyrus une concordance qui prouve qu’ils ont été écrits à la même époque. Ils constituent une sorte de corpus des alchimistes grecs. M. Berthelot a fait une analyse complète des principaux manuscrits parisiens, et il a comparé les textes que nous possédons avec ceux d’un manuscrit de Saint-Marc, à Venise, le plus beau et le plus vieux de tous, remontant à la fin du xe ou au commencement du xie siècle. Il a réussi à déterminer les auteurs de la plupart de ces traités. Il a montré comment ces auteurs se rattachaient à une école démocritaine qui florissait en Égypte vers les débuts de l’ère chrétienne, puis aux gnostiques et aux néo-platoniciens. M. Berthelot fait, à bon droit, grand cas des ouvrages apocryphes. Encore que mis faussement sous le nom d’un auteur illustre, ces ouvrages n’en sont pas moins anciens, et représentent un état de culture qui a existé effectivement. Si l’on parvient à déterminer la date de ces ouvrages et le milieu dans lequel ils ont été composés, ils constitueront des documents historiques qui n’auront rien à envier aux textes dits authentiques. C’est ainsi que les ouvrages du pseudo-Démocrite, qui feraient tache dans l’œuvre du grand philosophe rationaliste, ont, par leur contenu, la plus grande importance pour qui recherche les origines de la chimie, Les recettes du pseudo-Démocrite remontent à la fin du ive siècle de notre ère, peut-être même beaucoup plus haut. Les traités naturalistes groupés autour du nom de Démocrite sont l’une des voies par où les traditions des sciences occultes et des pratiques industrielles de la vieille Égypte et de Babylone ont été transmises aux Occidentaux.

Parmi les textes dont il donne la traduction, M. Berthelot recommande aux historiens de la philosophie un texte de l’alchimiste grec Stephanus exposant la théorie de la matière première d’une manière qui rappelle Platon, et un texte d’Olympiodore, historien grec et alchimiste né à Thèbes en Égypte dans la seconde moitié du ive siècle, qui relate les doctrines des philosophes ioniens d’après des sources aujourd’hui perdues, et qui les compare avec les doctrines des maîtres de l’alchimie. Olympiodore a sans doute sous les yeux les mêmes documents que Simplicius et les néo-platoniciens, dont le langage est analogue au sien. Nous lisons dans le morceau d’Olympiodore traduit par M. Berthelot que l’eau de Thalès est divine, et qu’Aristote semble rejeter Thalès et Parménide du chœur des physiciens, en tant que l’un et l’autre s’occupaient de questions étrangères à la physique et s’attachaient à l’essence immobile. Si l’on admettait cette assertion, qui à vrai dire n’est confirmée par aucun texte d’Aristote à nous connu, il faudrait attribuer plus d’importance et un sens plus philosophique qu’on ne fait communément au πάντα πλήρη θεῶν de Thalès. Il faudrait faire remonter à Thalès le spiritualisme et le théologisme qui se manifesteront chez Héraclite et chez Anaxagore.

Avec Simplicius et plusieurs autres, Olympiodore donne le principe d’Anaximandre comme intermédiaire entre le chaud et l’humide : assertion intéressante, en ce qu’elle contredit celles de Théophraste, de