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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


M. Berthelot. Les origines de l’alchimie, 1 vol.  in-8o ; xvii-445 pages. Paris, Georges Steinheil, 1885.

C’est, à première vue, une tâche ingrate que la recherche des origines d’une science. On se heurte à des difficultés de toute sorte, archéologiques, philologiques, historiques, scientifiques ; et quand, à force de labeur et d’intelligence, on est arrivé à reconstituer le progrès des idées et des découvertes, on se trouve placé entre l’estime discrète des lettrés, qui vous suivent mal, et l’indifférence des savants, qui disent : « À quoi bon ? » Rien toutefois n’est plus injuste, et c’est de quoi l’on commence à s’aviser généralement. D’abord il y a profit pour la science à être éclairée sur ses origines. Non seulement les termes qu’elle emploie trouvent souvent dans le passé leur explication ; mais elle prend conscience de sa direction propre, des raisons pour lesquelles elle tourne le dos à telles théories et se confie à telles autres, quand elle connaît les longs tâtonnements qui ont précédé sa constitution définitive. Puis il y a un vif intérêt pour l’historien et le philosophe à observer la marche qu’a suivie l’esprit humain dans sa poursuite de la science et de l’empire sur la nature. C’est là un élément précieux de cette connaissance de nous-même, à laquelle la connaissance croissante des choses extérieures n’a rien enlevé de son attrait et de son importance. Enfin il peut arriver que, mieux étudiées dans leurs origines, les doctrines du passé nous apparaissent sous un nouvel aspect, qu’elles se révèlent, non plus comme des essais grossiers et informes, uniquement propres à faire ressortir le progrès accompli, mais comme des œuvres mixtes, où du sein des imaginations des premiers âges commence à germer la conception rationnelle qui sera la science. Et si dans ces doctrines se découvre cet élément qu’on appelle proprement philosophique, je veux dire une tentative, non seulement pour se concilier les choses ou même pour les connaître, mais pour les comprendre, pour les saisir dans leur principe universel et dans la loi primordiale de leur création, il n’est pas improbable que la doctrine ainsi restituée n’acquière un intérêt, non plus seulement historique ou psychologique, mais théorique même, en tant que les conceptions philosophiques, réflexion de l’esprit sur les éléments les plus généraux des choses, sont souvent capables de survivre aux vicissitudes des sciences analytiques.