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ait ou non de l’illusion dans ces vues, elles n’en contiennent pas moins une grande part de vérité, et M. Anatole Leroy-Beaulieu rend un important service à ses contemporains en remettant sous leurs yeux une page de l’histoire d’hier, dont le préjugé vulgaire méconnaît trop fréquemment le sens et la portée.

C’est à un curieux épisode des manifestations religieuses du temps présent que M. G. Barzellotii s’est attaché, pour sa part, dans l’élégant petit volume intitulé : David Lazzaretti d’Arcidosso dit le saint, ses disciples et sa légende[1]. Il y a quelques années, le héros de cet écrit, qui s’était mis dans la montagne toscane à la tête d’un mouvement religieux populaire à la fois mystique et social, succombait dans une échauffourée. Cela se passait en 1878. Voisin des faits, M. Barzellotti a compris que leur intérêt dépassait celui de la fixation des responsabilités dans l’issue tragique, dont il a su nous tracer avec un art consommé l’émouvant tableau ; en même temps que les tribunaux étaient saisis de cette question secondaire, lui-même s’attachait à recueillir les documents les plus complets en même-temps queles plus authentiques sur la curieuse tentative dont la lamentable fusillade d’Arcidosso avait appris l’existence à l’Europe entière. Je ne m’étonne pas, après avoir parcouru cette monographie, que M. Renan ait écrit à l’auteur : « Vous avez parfaitement vu l’intérêt des faits d’Arcidosso et votre livre est un modèle de la manière dont ces sortes d’enquêtes doivent être faites. C’est un document infiniment précieux pour l’histoire critique des religions. » Et M. Renan ajoute à ce jugement, auquel nous souscrivons avec empressement, les considérations suivantes qui constituent la meilleure récompense de M. G. Barzellotti : « Le mouvement galiléen du premier siècle de notre ère et le mouvement ombrien de François d’Assise reçoivent de votre livre de très vives lumières. Pour faire scientifiquement l’étude des religions, il est presque aussi important de bien connaître les tentatives avortées que celles qui ont réussi. Dans le passé, les documents sur les tentatives avortées sont très rares. Un fait de ce genre, se déroulant au grand jour de la publicité et analysé avec le soin et la sagacité que vous y avez mis, constitue un phénomène unique et de la plus haute valeur. »

L’auteur lui-même avait parfaitement indiqué son but dans la courte préface mise en tête de son volume : « Mon intention dans ces pages n’a pas été de ressusciter, moins encore d’exciter à nouveau le sentiment douloureux des faits d’Arcidosso, qui, il y a quelques années, ont eu un si vif écho en Italie et dehors, encore moins d’en faire servir le récit à suggérer des nouveautés religieuses, sociales ou politiques, à la satisfaction de la curiosité et de passions personnelles. Ce livre doit être avant tout une œuvre d’art ; il pourra se dire réussi si, outre la représentation fidèle de la réalité et de la vie du phénomène qui y est

  1. In-18, xv et 322 pages.