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REVUE GÉNÉRALE.histoire et philosophie religieuses

se glorifier d’être filles de la raison spéculative, ont été jusqu’ici les plus robustes. Presque partout, avant la Révolution française, chez les nations protestantes en particulier, les libertés publiques, au lieu de procéder spontanément de l’idée abstraite du droit, sont sorties du brutal conflit des intérêts et de la lutte des forces sociales… La tolérance, l’égale liberté des cultes n’a nulle part peut-être été le produit spontané d’une doctrine religieuse. » De ce que les peuples protestants se sont plus vite et plus volontiers accommodés de la liberté religieuse que les peuples catholiques, il ne faut pas conclure hâtivement à une opposition de principes, que l’examen de l’histoire ne confirme pas. M. Leroy-Beaulieu conclut la série de ses attachantes et ingénieuses considérations sur la prétendue incompatibilité du catholicisme avec les libertés publiques par la réflexion suivante, à laquelle nous nous rallions volontiers : « En dépit des apparences, l’Église sait au besoin montrer non moins de souplesse que de persévérance. Lorsque la hiérarchie se sera bien convaincue de la vanité de ses regrets d’un passé à jamais évanoui, ni les souvenirs de l’inquisition, ni les décisions des conciles, ni les encycliques des papes nela retiendront longtemps dans des voies manifestement surannées. On se souviendra que chaque temps a ses besoins et ses méthodes, et l’on sera heureux de découvrir que, pour l’apostolat des âmes, la liberté offre plus de ressources réelles que l’absolutisme. »

On peut juger de l’intérêt qu’il y a à suivre dans le livre de M. Leroy-Beaulieu les péripéties de la lutte des principes opposés au sein du catholicisme français des cinquante dernières années. Tous les événements et tous Îles personnages marquants apparaissent successivement entourés de toute la lumière désirable à leur parfaite intelligence, La Memnais, Lacordaire, Montalembert, l’affaire de l’Avenir et l’encyclique Mirari vos ; les questions d’instruction publique et la campagne pour la liberté d’enseignement sous le règne de Louis-Philippe ; le catholicisme sous la révolution de 1848, la loi sur l’enseignement de 1850 ; le catholicisme sous l’empire, Pie IX, le Syllabus et ses diverses interprétations ; la question romaine, la réunion du concile et ses conséquences. Quelles que soient les difficultés de la situation, M. A. Leroy-Beaulieu envisage avec confiance la réconciliation du catholicisme avec les libertés publiques, Juge désintéressé d’une cause dont il a étudié les pièces avec une scrupuleuse attention, il voit dans le christianisme un « élément de liberté, parce qu’en tant que force indépendante du pouvoir, il demeure une digue ou une limite à l’absolutisme. » Si l’écueil pour les libertés publiques, comme le pensent plusieurs personnes, est dans « l’omnipotence de l’État, l’asservissement de l’individu, de la famille, de la société par l’État, absorption rendue plus facile et plus dangereuse par l’avènement de la démocratie, par la souveraineté impersonnelle du peuple substituée à l’empire d’un seul », le catholicisme « libéral malgré lui » est dans le cas de redevenir « un facteur de liberté, un agent d’indépendance, un rempart de l’autonomie de la conscience ». Qu’il y