Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/516

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
512
revue philosophique

n’a pas été clairement transformé par des influences européennes, il existe une ressemblance fondamentale dans la condition sociale du peuple, dans son niveau intellectuel et dans ses habitudes de pensée. Et quoique l’Inde soit, à plus d’un égard, une contrée particulière, isolée et séparée du reste du continent par un large rempart de montagnes souvent infranchissables, de telle sorte qu’on ne puisse la rattacher ni à l’Asie orientale, ni à l’Asie occidentale, pourtant elle possède, à raison de son extraordinaire variété de peuples, de croyances et de mœurs, une profonde affinité avec les pays tout différents situés de part et d’autre. Elle partage beaucoup à la fois du caractère religieux de }’Asie occidentale, dont elle a reçu l’Islamisme, et de l’Asie orientale, à laquelle elle a donné le Bouddhisme, produit de la théosophie hindoue ; elle a de plus conservé des spécimens de presque tous les stages indiqués dans l’histoire de la politique orientale et franchis par le développement des sociétés asiatiques. Aucune contrée de premier ordre en Asie ne pourrait rémunérer au même point l’explorateur ; or, elle est précisément la partie de l’Asie où les Européens ont incomparablement les meilleures chances d’observations exactes et continues, » Comparant le rôle de l’Angleterre aux Indes et, d’une manière plus générale, en Asie à celui qu’a rempli Rome dans l’ancien monde, sir A. Lyall croit que la connaissance de l’Inde moderne nous ouvre l’intelligence de l’antique Europe. « Nous commençons, dit-il, à respirer la véritable atmosphère religieuse des vieux âges et à imaginer leur aspect politique. Nous voyons le polythéisme indien couler de sources semblables à celles qui produisirent les croyances et cultes de l’Europe pré-chrétienne ; nous le voyons prendre leurs formes, et nous comprenons plus nettement la situation d’un grand empire tel que le crée l’intervention d’un peuple éminent par la civilisation et par les armes au sein de communautés instables et arriérées. »

Parmi les études insérées au premier volume, nous signalerons comme particulièrement intéressantes au point de vue religieux les suivantes : La religion dans une province de l’Inde ; Origine des mythes divins dans l’Inde ; Sorcellerie et religions païennes ; la situation religieuse de l’Inde. On y trouvera partout, à côté de détails précis et empruntés à la réalité, des vues tour à tour ingénieuses et élevées. Quant à l’avenir du Brâhmanisme, sir A. Lyall défend contre M. Max Müller l’opinion que celui-ci, « en tant que religion, n’est rien moins que mort ou même moribond, alors que des multitudes nombreuses sont constamment introduites dans son enceinte. » Nous nous arrêterons un peu plus aux vues énoncées dans les deux premiers des chapitres dont nous venons d’indiquer les titres.

Dans son étude sur la religion dans une province de l’Inde, sir A. Lyall a choisi une région déterminée pour en décrire et en caractériser les tendances religieuses. « J’offrirai ainsi, je le crois, ainsi s’exprime-t-il, un bon échantillon de ce qu’est en moyenne l’hindouisme dans son ensemble, comme le serait un seau d’eau puisé dans un étang. »