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REVUE GÉNÉRALE.histoire et philosophie religieuses

l’ayant pas trouvé, il a cherché ensuite pourquoi il ne l’avait pas trouvé ; plus heureux cette fois, il a découvert la raison de l’absence du panthéisme « idéaliste » dans cette circonstance, que la « substance unique » est à la fois matérielle et spirituelle. M. Bourquin tire de son examen des textes cette conclusion, déjà indiquée plus haut, que « les Védas, même dans ce qui est regardé comme leur partie la plus ancienne, les hymnes du Rig, loin d’être l’expression d’un polythéisme simple et naturel, d’une physiolâtrie qui serve à expliquer la genèse naturelle de l’idée de Dieu par la crainte et la vénération des phénomènes de la nature, sont purement panthéistiques et accusent, au temps où ils furent chantés, des systèmes de philosophie déjà parfaitement constitués. » Si nous laissons de côté l’emploi d’une terminologie dépassée, nous constatons volontiers que le fond du sentiment de M. Bourquin s’accorde avec les conclusions préconisées dans ces derniers temps par la critique. Dans le curieux essai de systématisation du panthéisme védique qui forme la dernière partie de l’ouvrage, M. Bourquin se rencontre encore avec une thèse récemment soutenue, à savoir qu’entre le Brâhmanisme et le Bouddhisme il n’y a nullement l’opposition, le contraste absolu qu’on a voulu constater. Si l’intention du savant sanscritiste est de poursuivre ses travaux sur le champ de la littérature sacrée ancienne de l’Inde, nous prenons la liberté de l’engager à se familiariser tout d’abord avec la production scientifique des dernières années, qui, particulièrement dans notre pays, a pris une si grande importance, représentée qu’elle est par MM. Barth, Bergaigne, Senart, etc. Ayant ainsi affilé et — si j’ose m’exprimer de la sorte — modernisé l’outil de forme un peu antique dont il se sert, M. Bourquin prendra une place très honorable dans la phalange de nos indianistes les plus distingués.

C’est une excellente idée qu’on a eue de transporter en notre langue les Études de sir Alfred Lyall sur les mœurs religieuses et sociales de l’Extrême-Orient[1], particulièrement de l’Inde. L’auteur, lieutenant-gouverneur des provinces du nord-ouest de l’Inde, a appliqué sa haute curiosité servie par des facilités exceptionnelles d’information aux questions d’organisation religieuse. Aussi son œuvre a-t-elle obtenu le plus grand succès en Angleterre ; elle sera accueillie chez nous également avec un réel intérêt. « Huit des présentes études, dit sir A. Lyall lui-même, se rapportent à l’Inde ; elles sont, en grande partie, le résultat d’observations personnelles et de relations directes avec le peuple de certaines provinces. Une étude est consacrée à la Chine, pays dont l’auteur n’a aucune connaissance immédiate. Mais comme elles se ressemblent toutes par le sujet, en ce qu’elles traitent également du caractère et de la complexion que présentent aujourd’hui la religion et la société dans ces contrées lointaines, peut-être voudra-t-on bien leur reconnaître quelque utilité pour l’étude générale des idées et des institutions asiatiques ; car, dans toute l’Asie, partout où l’état de la société

  1. In-8o, xliv et 534 pages. Thorin.