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physiolâtrie des Védas ; ce terme, tombé en désuétude, semble correspondre pour lui à ce que l’on désigne plus volontiers et à ce qu’il désigne lui-même à plusieurs places par les mots d’idolâtrie et de fétichisme ou simplement de polythéisme. Dans les nombreuses citations qu’il nous donne des textes védiques, il a recours à la traduction de Langlois, que tous les savants déclarent inutilisable ; il est vrai qu’il la corrige dans les passages fautifs, mais il eût agi à la fois beaucoup plus pratiquement et plus sagement en se servant de la meilleure traduction anglaise et en la faisant passer dans notre langue. Les quelques généralités enfin par lesquelles il a fait débuter son travail soulèveraient à elles seules plus de points d’interrogation et de critiques qu’elles ne tiennent elles-mêmes de place dans l’ouvrage.

Si nous faisons abstraction de ces remarques, qui ôtent au nouveau livre de M. Bourquin une partie de la valeur scientifique que nous aurions aimé à lui reconnaître, nous constaterons, en revanche, que ses vues, qui reposent sur une étude sincère et personnelle des textes, sont généralement justes. Ainsi, son témoignage absolument indépendant — trop indépendant, à notre gré, puisqu’il ne tient pas suffisamment compte des recherches d’autrui — sur plusieurs questions d’un haut intérêt sera accueilli avec une déférence méritée. M. Bourquin ne tombe absolument pas dans les exagérations où l’on s’est longtemps laissé entraîner quant à la date et à la chronologie des écrits védiques. Il les rajeunit sans hésitation, « Quant à l’époque de la rédaction des différentes parties de la littérature sacrée des Indous, déclare-t-il avec grande raison, soit des hymnes, soit des Brâhmanas ou des Upanischads, je me garderai de la fixer ; car, en l’absence de toute donnée historique dans la littérature de l’Inde, on nuit plus à la science chronologique en imaginant des dates fondées seulement sur des probabilités, que si l’on avait la patience d’attendre la découverte de points d’appui plus précis. Le dogmatisme avec lequel on a fixé l’âge respectif des hymnes (1100 à 1200 av. J.-C.), des Brâhmanas (800 av. J.-C.) et des Upanischads (600 av. J.-C.) n’a qu’un tort, celui de reposer sur des périodes tout à fait imaginaires et qui n’ont aucun fondement scientifique. » On ne saurait mieux dire. En rajeunissant les Védas, M. Bourquin se trouve d’accord avec les tendances qui prévalent dans la jeune école. Il ne trouvera pas non plus grands contradicteurs sur le fond même du sujet, à savoir que la philosophie religieuse du Brâhmanisme est essentiellement panthéiste. Seulement, s’il paraît utile de l’enseigner aux missionnaires, comme l’indique M. Bourquin, on ne saurait prétendre que l’assertion elle-même et sa démonstration puissent passer pour nouvelles dans les cercles savants. Nous ne laissons pas non plus d’être quelque peu inquiets de l’application à la philosophie de l’Inde des divisions adoptées par le langage de l’école, telles que celles de panthéisme ontologique, de panthéisme matérialiste, de panthéisme psychologique, de panthéisme mystique. Il n’y manque que le panthéisme purement idéaliste ; M. Bourquin l’a cherché vainement, et, ne