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REVUE GÉNÉRALE.histoire et philosophie religieuses

sa civilisation ; les Incas ; les dieux du Pérou ; culte, sacerdoce et eschatologie ; fin de la religion péruvienne.

Toutes ces religions du Mexique, de l’Amérique centrale, de Bogotá, de Quito et du Pérou sont considérées par l’auteur comme formant ensemble une même famille, malgré l’absence de lien historique entre les deux continents qui constituent le nouveau monde. « Une même loi de développement, dit M. Réville, a présidé dans ces diverses régions au dégagement d’une mythologie à peu près organisée et d’une religion régulière du milieu naturiste et animiste qui, là comme partout, représente le sous-sol et les assises de l’édifice. » À l’époque de la conquête, c’est au Mexique et au Pérou que cet étage supérieur de la religion américaine était le plus avancé. M. Réville estime d’ailleurs que, si l’invasion espagnole n’était pas venue couper court brusquement à toute évolution ultérieure des religions du Mexique et du Pérou, c’est au Mexique que se rencontraient les plus grandes chances de progrès et de développement religieux. Cependant il reconnaît que la religion des Incas l’emporte sur un point ; elle est infiniment plus humaine que « celle dont les Aztecs avaient fondé la prééminence en même temps que leur domination militaire ». M. Réville conteste absolument que l’on puisse tirer de l’examen des religions américaines des arguments en faveur de la thèse fameuse du monothéisme primitif. « On peut s’assurer, dit-il, contrairement au préjugé de beaucoup de chroniqueurs, de missionnaires et d’historiens, qu’il n’y a pas la moindre trace d’un monothéisme primitif qui aurait précédé le polythéisme, où les peuples que nous avons étudiés étaient pleinement engagés au temps de la conquête. Au Pérou comme au Mexique, à Bogotá comme dans l’Amérique centrale, l’étage religieux au moment de la découverte repose immédiatement sur le polythéisme incohérent, naturiste et animiste, indéfiniment multiple, que nous avons vu dominer sur toute la terre non civilisée. À chaque instant même, ce polythéisme inférieur, encore inorganique, reparaît à fleur de sol. C’est le côté naturiste qui s’est développé, tandis que l’animisme, la religion des esprits anonymes et mal définis, est resté dans les bas-fonds de la hiérarchie sociale, Le culte du soleil et des astres, des vents et des eaux, a donné l’être à des hypostases, à des personnes engendrées de l’objet naturel, qui sont encore cet objet personnifié, mais qui sont aussi devenues des êtres indépendants, à forme animale et humaine, toujours plus humaine, qui ont, où peuvent avoir une histoire. De là des dieux héros, fondateurs d’empires et civilisateurs. L’apparition de dieux civilisateurs et organisateurs de l’ordre social, tels que Quetzalcoatl, Bochica, Manco Capac, etc., est une des marques les plus notables du progrès accompli sur la base du naturisme primitif. On ne se laissera pas tromper par les expressions d’hommage absolu que la piété se plaît à employer toutes les fois qu’elle s’adresse à un dieu quelconque. Il semblerait que chacune de ces divinités est reconnue par ses adorateurs comme toute-puissante, incomparable, sans rivale possible. Mais cela prouve