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enquis avec le plus grand soin de tout ce qui avait été écrit avant lui sur le même sujet. Son travail se présente ainsi à nous dans des conditions exceptionnellement favorables. Il comprend d’abord le texte grec et la traduction française de la Didachè accompagnée de notes abondantes, puis une étude historique et critique où sont abordées et résolues les principales questions soulevées par cette sorte de catéchisme de la première Église.

C’est bien, en effet, ce terme de catéchisme qui caractérise le plus exactement le court écrit, dont le titre complet est : Enseignement du Seigneur transmis par les douze apôtres aux nations, et dont le texte grec, dans le volume même de M. Sabatier, ne remplit pas plus de huit pages. On peut l’appeler aussi un Manuel de la religion chrétienne.

La Didachè comprend d’abord un résumé de l’enseignement, puis une sorte de liturgie et de discipline. La catéchèse occupe les six premiers chapitres ; que l’on en considère, soit le fond, soit la forme, on est frappé par le caractère tout judaïque de cet enseignement. « Par le fond comme par la forme, dit M. Sabatier, la catéchèse de la Didachè semble se rattacher au courant purement palestinien, » La série des préceptes s’ouvre par la comparaison des deux voies qui s’ouvrent devant l’auditeur, celle de la vie et celle de la mort. Le dernier chapitre de l’ouvrage reviendra à cette comparaison en nous faisant voir le point d’arrivée de ces deux voies, pour les méchants la mort, c’est-à-dire l’anéantissement, pour les bons la vie ou plutôt la survivance. Les chapitres VII à XVI traitent successivement du baptême, des jeûnes et de la prière, de l’eucharistie, de diverses questions de discipline ecclésiastique, de l’assemblée du dimanche, des évêques et des diacres, enfin, des choses finales. Nous avons donc, en gros, dans ce traité, d’une part un enseignement de morale religieuse, de l’autre des indications relatives à l’organisation de l’Église. Ce sont ces seconds qui ont particulièrement intéressé les auteurs antérieurs à M. Sabatier comme celui-ci même. Le sujet était trop controversé pour qu’on n’accueillit pas avec avidité des renseignements nouveaux sur ce point ; il était à craindre, d’autre part, qu’on ne se laissât aller à la tentation de tirer à soi les déclarations de la Didachè ou de s’y dérober en diminuant leur autorité, si elles contrariaient les idées adoptées par tel ou tel.

M. Sabatier, qui a su se mettre au-dessus de ces considérations de secte et aborde avec une grande indépendance les questions soulevées par la Didachè, n’en défend pas moins, sur l’origine et la date de ce document, une opinion extrême, à laquelle il est douteux que la critique arrive à se rallier. D’après lui, la Didachè est un document chrétien d’une antiquité qui peut rivaliser, non pas même avec les plus récents écrits du Nouveau Testament, mais avec les plus anciens, c’est-à-dire avec celles des épîtres de saint Paul qui précèdent la grande activité missionnaire de l’apôtre des Gentils. Bien que M. Sabatier ne l’ait dit nulle part expressément, nous ne croyons pas dépasser