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chez les plus larges et les plus tolérants d’entre eux… Cependant, il y eut dans l’enseignement de Jésus deux idées entièrement nouvelles et, à nos yeux, d’une incontestable originalité. L’enseignement rabbinique se résumait en ces deux mots : Pratiquez toute la Loi et attendez le Messie, roi de la terre. Jésus a répondu : Vous serez sauvés par la foi, et je suis le Messie qui doit mourir crucifié. Il a rejeté la pratique des œuvres qui justifiait et l’attente d’un messianisme terrestre et les a remplacées par la prédication de la justification par la foi et par celle d’un messianisme purement spirituel, dont il est, lui, le héros. Ces deux doctrines résument, nous le croyons, tout l’Évangile. » Ces vues appellent les plus sérieuses réserves. La distinction entre le messianisme terrestre, qui aurait été celui des contemporains de Jésus, et le messianisme idéaliste et spirituel dont il se serait fait le prédicateur en même temps que le héros, n’est pas soutenable dans les termes qu’indique M. Stapfer. Les textes y opposent un démenti flagrant. L’école de Tubingue et l’école critique allemande, en général, ont établi que le christianisme primitif, celui qu’enseignaient les apôtres et disciples immédiats de Jésus, comportait la foi en l’imminence d’une révolution surnaturelle, qui substituerait aux misères de l’économie présente les gloires et les délices du royaume de Dieu, au profit des élus. En vain les protestants libéraux ou libéralisants, dans l’intérêt du propre système dogmatique qu’ils défendaient dans leurs églises, ont prétendu que Jésus n’avait rien attendu ni espéré de semblable, que la venue du royaume des cieux n’avait jamais été pour lui que synonyme d’une lente évolution de la pure idée morale et religieuse : ils n’ont pu donner quelque apparence de crédit à cette thèse qu’en traitant les documents avec le plus souverain arbitraire, qu’en les détournant de leur sens naturel par les mêmes procédés qu’ils incriminaient à si juste titre chez leurs adversaires. Ce n’est donc pas dans le livre de M. Stapfer qu’on trouvera des vues nouvelles destinées à éclairer les ténèbres où se dérobent encore, partiellement du moins, les origines chrétiennes.

Ce qu’on y trouve, en revanche, comme nous l’avons déjà indiqué, c’est une série de renseignements sur le milieu historique, géographique, social et religieux où est né le christianisme et dont une connaissance exacte importe à son appréciation. Sous ce rapport, la Palestine au temps de Jésus-Christ est déjà de nature à rendre de sérieux services à quiconque étudie l’histoire des origines chrétiennes. Si l’auteur est amené à reprendre son travail et à le remanier, nous nous permettrons de lui suggérer quelques changements, au moyen desquels il atteindra plus sûrement encore le but qu’il s’est proposé. Nous avons déjà marqué des réserves sur le plan adopté, qui pourrait gagner sous le rapport de la logique et de la rigueur. Il conviendrait aussi que M. Stapfer fit rentrer dans son étude la plus grande partie des matières qu’il a exposées dans ses Idées religieuses au temps de Jésus-Christ, Un chapitre très insuffisant, en particulier, est celui où l’auteur traite