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et la philosophie. La critique historique, qui, dans son application aux religions étrangères et anciennes, a donné des résultats si importants, a renouvelé, à son tour, la connaissance des origines chrétiennes. La raison des incontestables succès obtenus dans cette voie est due à un changement dans la manière de procéder ; à la méthode a superiori dés supranaturalistes et a priori des rationalistes, a été substituée la méthode à posteriori de l’examen méthodique et critique des faits et des documents originaux. Ces considérations générales préliminaires introduisent un second chapitre, intitulé : Jérusalem et Antioche au temps des apôtres. Le nom de ces deux villes sert, en effet, à caractériser les deux tendances du christianisme primitif, la tendance judaïsante et particulariste des premiers apôtres, la tendance anti-judaïsante et universaliste de saint Paul, l’apôtre des Gentils. Dans son troisième chapitre : Athènes, Rome et Alexandrie à l’époque apostolique, M. Labanca étudie l’établissement du christianisme, sur les pas de Paul, à la fois dans la capitale de la civilisation grecque et dans le chef-lieu de l’empire romain. À la métropole de l’Égypte, à Alexandrie, M. Labanca rattache : le christianisme théologique ou métaphysique dont le quatrième évangile est l’expression classique. Si l’on franchit les limites des grandes cités pour déterminer les différents caractères du christianisme primitif dans des régions plus étendues, on constate qu’il prend des allures plus théoriques en Orient, plus pratiques en Occident. Par un retour en arrière, l’auteur rappelle alors les principaux traits du judaïsme, pour l’opposer au christianisme, qu’il a défini dans les chapitres précédents, En s’aidant des travaux modernes, il indique comment s’est développée la religion juive jusqu’au temps de Jésus ; il établit avec soin ia position respective des grands partis, Pharisiens, Sadducéens, Esséniens, et s’attache à élucider l’exacte nature des idées et des espérances messianiques. Un autre facteur du christianisme primitif, un de ses antécédents qu’il est indispensable de rappeler, au moins dans ses principaux traits, c’est la philosophie ancienne, — d’une part la philosophie judaïsante des Alexandrins, de l’autre la philosophie grecque et la philosophie romaine.

Après avoir établi la position respective du christianisme primitif par rapport, d’une part au judaïsme, de l’autre à la philosophie, M. Labanca expose le processus historique qu’il a subi en passant de Jésus aux apôtres. Jésus est pour lui un réformateur, chez lequel les considérations morales occupent le premier plan, qui se représente le « divin » sous l’image d’un père céleste dont il est le fils de prédilection. D’après cela il serait préférable de dénommer la religion dé Jésus, non pas christianisme, mais « jésuisme » ou « nazaréisme ». Jésus promettait, en effet, un règne « moral » de Dieu, consistant dans les sentiments moraux du repentir, du pardon et de l’amour, De telles promesses étaient conformes aux traditions juives. Le « nazaréisme » est donc une religion essentiellement morale, les deux ou trois dogmes qui s’y rencontrent étant nettement subordonnés à l’objet purement éthique qu’on se propose.