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LESBAZEILLES. — bases psychologiques de la religion

mythes et les cultes il n’est en relation qu’avec lui-même, et aucun élément extrinsèque ne peut s’introduire comme facteur, s’il ne l’a fait sien par l’usage. Donc, ni cosmologie ni ontologie pour expliquer origine des relations : la science de l’homme est la seule à pouvoir s’en charger.

VII

Les considérations précédentes vont nous permettre, avant de terminer, d’indiquer la possibilité d’une nouvelle solution pour un problème souvent agité par les penseurs contemporains, et qui se pose toujours à nouveau parce qu’aucune des réponses émises n’est satisfaisante : nous voulons parler du problème de la réconciliation de la science avec la religion,

On éprouve un grand embarras à admettre que ces deux importants facteurs de l’évolution sociale soient vraiment les termes d’une antithèse irréductible, et doivent, par leur nature même, entrer perpétuellement en conflit. On voudrait découvrir un terrain sur lequel science et religion pussent se rencontrer, une sphère supérieure dans laquelle elles parvinssent à confondre leurs développements respectifs et à concourir synergiquement aux mêmes œuvres. D’autre part, on sent qu’il y a une irrémédiable opposition entre la conception religieuse et la conception scientifique de l’univers, que la direction et la mesure dans lesquelles elles évoluent sont toujours inverses, et que l’intelligence est dans une complète impossibilité de demander son orient à la fois à l’une et à l’autre. Aussi toutes les tentatives de synthèse échouent-elles successivement. La plus célèbre et la plus autorisée, celle de H. Spencer, ne peut échapper elle-même, à ce qu’il nous semble, au sort que toutes ont subi : elle aussi ne repose que sur un artifice et ne donne qu’un semblant de Solution. Justifions brièvement cette dernière assertion, qui paraît peut-être téméraire à quelques-uns, avant d’exposer nos propres vues.

Le procédé du grand philosophe consiste, comme on le sait, à chercher dans l’esprit une notion ultime à laquelle, d’une part, toutes les conceptions religieuses soient réductibles, d’autre part, toutes les démarches scientifiques viennent aboutir. Cette notion ultime, c’est pour lui la notion d’absolu, terme dernier de la science et objet suprême de la religion. Or, il n’est pas difficile de faire voir : 1o que l’absolu n’est nullement le terme dernier de la science, qui a au contraire tout intérêt à se passer de lui ; 2o que l’absolu n’est pas le fond même de la religion, mais seulement sa forme, forme qui reste vide tant qu’autre chose ne vient pas la remplir. Si donc l’idée