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le bien et le vouloir, figurer la lutte sacrée de la culture et l’imiter respectueusement, voilà le sens des deux parties essentielles de la religion, qui devient ainsi une sorte de drame auguste dans lequel l’homme, à la fois spectateur et acteur, contemple et reproduit sa propre vie, et par là s’apprend à vivre. D’un seul mot, grâce à la religion, l’homme a cru à ce qu’il devait être, et par cette croyance est devenu tel.

La valeur concrète de la religion et sa place dans l’histoire de l’humanité peuvent donc être tirées immédiatement des données mêmes de notre hypothèse. Conscience du progrès social, elle illumine et régit ce progrès, remplissant ainsi dans l’espèce le rôle général de la conscience dans la vie des organismes. Elle devient par suite, quand on l’entend de la sorte, un élément nécessaire de l’adaptation, un fait biologiquement intelligible. À la place des métaphores et des entités qu’on nous proposait tout à l’heure, et qui, ne mettant à aucun titre l’être en rapport avec le milieu, restaient en dehors de toute réalité, nous avons maintenant un ensemble de croyances actives sans lesquelles la civilisation est inconcevable. Entre deux hypothèses, dont l’une introduit dans l’organisme social un système artificiel de relations sans équivalents dans le milieu, et dont l’autre légitime toutes les fonctions de cet organisme et confère à sa vie l’unité, qui pourrait donner la préférence à la première ?

VI

De tous les systèmes de mythes que l’étude nous ait révélés jusqu’ici, il n’en est aucun qui résume plus complètement les caractères de la religion typique, et qui laisse apparaître avec plus de clarté l’objet ultime des croyances religieuses, que le système dont les livres sacrés attribués à Zoroastre nous ont transmis la connaissance : à tel point qu’une monographie de l’Avesta serait peut-être le meilleur exposé des conditions théoriques de la religion. Sans vouloir entreprendre rien de semblable, nous demandons la permission de signaler en passant quelques traits du mazdéisme, qui semblent faits tout exprès pour venir à l’appui de notre thèse.

L’Avesta pose de prime abord, et comme antinomie constitutive de l’existence même, l’opposition du bon et du mauvais esprit (Cpento-Mainyus et Anro-Mainyus), ou, pour donner au symbole sa valeur intrinsèque, de ce qui fait le bien et de ce qui fait le mal. Or