Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
479
LESBAZEILLES. — bases psychologiques de la religion

hypothèse seule rattache le développement religieux à l’évolution en général et lui donne un sens biologique. Avant de démontrer ce second point, qui exige quelques développements, nous résumerons nos analyses précédentes par cette définition : la religion est l’adaptation sociale prenant conscience d’elle-même dans des symboles mythiques, s’imitant et s’invoquant dans ces symboles, et de cette façon s’éclairant et se fortifiant.

Il s’agit à présent, nous venons de le dire, de rechercher si cette définition répond aux conditions que nous avons assignées, au début, à toute formule adéquate de la religion, et si elle peut échapper aux objections qui s’élèvent contre les autres. On se le rappelle en effet, nous avons été amené à chercher les bases d’une nouvelle théorie par la nécessité de ne pas isoler l’évolution religieuse du développement spécifique et de ne pas la soustraire aux lois qui régissent l’histoire organique en général, — nécessité dont ni la théorie philologique ni la théorie métaphysique ne nous avaient paru tenir un compte suffisant. En quittant le domaine de l’objet et de l’intelligence pour nous placer sur le terrain du sujet et de l’activité, avons-nous pris réellement une position plus favorable ? Nous sommes-nous mis en état de reconnaître dans la religion un cas particulier de l’adaptation ?

Nous avons défini la religion comme étant un ensemble de symboles qui personnifient les conditions de la culture, et qui s’accompagnent de pratiques où ces conditions s’affirment et se provoquent ; nous en avons fait, autrement dit, un procédé par lequel l’homme se sollicite à l’action civilisatrice en prenant une conscience vive de ce qui la constitue. Eh bien ! cet énoncé ne suffit-il pas à lui seul pour donner d’emblée à la religion le rôle qu’on ne peut lui refuser, pour en faire une phase nécessaire du développement biologique ? Puisqu’elle est la conscience du progrès social, n’est-il pas clair qu’elle doit posséder tous les attributs de la conscience en général, et remplacer, dans la vie de l’espèce, la présence de celle-ci dans la vie de l’individu ? Autrement dit, la religion se trouvant assimilée à une forme des manifestations psychiques qui se retrouve sur toute l’échelle et qui remplit partout une certaine fonction, il est évident que son usage se trouve déterminé par cette fonction même. Or, en posant les principes psychologiques qui devaient nous guider, nous avons attribué comme rôle spécial à la conscience d’éclairer et de diriger l’activité. Nous avons vu que, si les processus inconscients ne modifient rien au statu quo et laissent l’organisme au même point, les processus conscients peuvent devenir le germe d’une nouvelle évolution, constituer le premier événement d’une nouvelle histoire.