Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/477

Cette page n’a pas encore été corrigée


LES BASES PSYCHOLOGIQUES DE LA RELIGION[1]


IV

Nous n’avons examiné jusqu’ici, dans notre genèse des faits religieux, qu’un seul de leurs éléments, le mythe ; nous devons étudier à présent celui qui est le complément invariable et comme la doublure du premier, à savoir le culte.

C’est ici surtout que se fait sentir l’insuffisance des théories non fondées sur la psychologie ; quoique leurs explications sur ce point contiennent certainement une part de vérité, elles restent néanmoins à la surface des choses et ne parviennent point à satisfaire l’esprit. En effet, quand on admet avec elles l’objectivité primordiale des mythes, quand on en fait les symboles de réalités (contingentes ou nécessaires) extrinsèques au sujet, on est fort embarrassé pour en extraire un culte quelconque, et pour expliquer par quelle suite de processus l’homme en est venu, de leur simple conception, à leur adresser ses hommages. Pourquoi s’agenouiller devant une représentation ? À quoi bon l’adoration d’une image ? Par quel miracle le Dieu passif de l’entendement contraint-il la volonté à plier devant lui ?

Pour lever la difficulté, on a recours le plus souvent, comme nous l’avons indiqué au commencement, à certains raisonnements d’analogie en vertu desquels l’homme conclurait à la présence, dans les objets, de forces semblables à celle qu’il croit sentir en lui-même, et serait conduit à les traiter comme des personnes, à solliciter leur bienveillance ou à s’humilier devant leur colère. Nous ne nions pas encore une fois, que cet élément n’ait exercé une grande influence sur la formation des rites ; mais qu’il suffise à rendre compte de la nature intime du culte, qu’il en démontre la nécessité théorique, c’est ce que nous nous refusons à admettre.

On pourrait encore invoquer, du point de vue des cosmologistes, la tendance de l’homme primitif à se conduire envers les objets

  1. Voir le numéro précédent de la Revue.