Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/476

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
472
revue philosophique

aussi de là que l’on aurait tort de conclure qu’il n’y a pas de rêve là où il n’y a pas de souvenir. Cette conclusion est contraire aux faits. La seule différence qui subsiste entre l’une et l’autre espèce de rêve, réside dans la nature des suggestions, et encore cette différence peut-elle s’effacer. Sans doute, nos rêves ordinaires nous sont inspirés en grande partie par des mouvements organiques internes, quelquefois cependant par des mouvements extérieurs qui se communiquent à nos sens imparfaitement engourdis, et aussi par des attitudes inconscientes. Les rêves hypnotiques n’ont pas leur origine dans des dispositions ou des modifications de l’organisme profond ; ils sont principalement suggérés par des impressions extérieures faites sur les organes des sens : l’ouïe, quand on parle au sujet ; la vue, quand on fait devant lui certains gestes ; le sens dit musculaire, quand on donne aux membres une certaine position. Or, dans la vie normale, c’est par les deux premières voies que nous acquérons des idées, c’est-à-dire, par la contemplation et par la conversation ou la lecture. Nous avons peur, quand nous voyons un de nos semblables avoir peur — il y a une belle application de cette vérité d’observation dans un tableau du Poussin dont parle Fénelon dans ses Dialogues des morts. Nous sommes tristes, quand un être qui nous est sympathique raconte ses malheurs.

Restent les suggestions par les attitudes dues à des actions mécaniques. Y a-t-il rêve en pareil cas ? On peut le croire ; mais je n’ai pu jusqu’à présent le vérifier, J… étant rétive aux suggestions par attitudes. Au surplus, l’examen de cette question est en dehors de mon sujet. Je me propose cependant de porter mes recherches dans cette direction.

Dans mes expériences, j’ai encore recueilli bon nombre d’autres observations absolument neuves, ou du moins inédites, et susceptibles de présenter un vif intérêt. J’en ferai l’objet de communications ultérieures. À chaque jour suffit sa peine.

J. Delbœuf.