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DELBŒUF. — la mémoire chez les hypnotisés

8o — Je prends un mouchoir et me mets à sangloter. J… sanglote. Réveil. Elle était triste et « pleurait » sans savoir pourquoi.

Je termine en lui montrant ce qu’elle a écrit ; elle reconnaît son écriture, contemple longtemps le papier et n’y comprend absolument rien.

Ces épreuves sont convaincantes. La conviction ne naît pas seulement de leur nombre, mais surtout de leur concordance. Cependant il y a une différence notable entre ces expériences et celles qui furent faites devant moi à la Salpêtrière. Là le geste imprimé l’était par des actions mécaniques. À J… les mouvements sont suggérés par imitation. Je ne me suis pas encore attaché à ce qu’elle ait des attitudes passionnelles suggérées par coordination de mouvements, et si, par exemple, je lui serre les poings, le geste ne s’amplifie pas et ne s’étend pas plus loin. Le voile qui recouvre le problème n’est donc écarté que partiellement. Mais il ne sera pas difficile d’instituer des recherches ultérieures qui le soulèveront tout à fait, et mettront la réalité dans tout son jour. Tous ceux qui s’intéressent à l’hypnotisme, et aujourd’hui ils sont nombreux, ont actuellement à leur disposition une méthode d’investigation qui peut leur rendre de grands services. Les résultats de ce jour apportent sans contredit un nouvel appui à l’opinion fondée sur des raisonnements inductifs qui veut que les attitudes réagissent sur les idées ; ils permettent même d’aller plus loin et d’affirmer que l’état intellectuel peut n’être, en certains cas, que le reflet du physique. Je ne veux pas aujourd’hui pousser plus loin mes conséquences.

VIII

Je crois devoir arrêter ici le compte rendu de mes essais. Envisagés dans leur rapport avec le point spécial que j’ai eu en vue, ils paraissent concluants. Il en résulte que le rêve hypnotique est de même nature que le rêve ordinaire, et soumis aux mêmes lois ; et que la différence entre l’état normal et l’état hypnotique est, du moins à cet égard, du même ordre que la différence entre la veille et le sommeil. Les rêves hypnotiques se prêtent au rappel dans les mêmes conditions que les rêves ordinaires. Si l’on a cru pendant longtemps que ce qui les caractérisait était de ne pas donner prise au souvenir, c’est qu’on n’avait pas porté son attention sur les conditions qui ravivent le souvenir des autres. Lorsque les conditions sont les mêmes, les premiers comme les seconds sont susceptibles de rappel. Il résulte