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bas ! — Monsieur, là-bas, elles sont déjà toutes noires, elles sont bonnes à arracher. — Arrachons-les. » Elle se lève ; je lui passe un parapluie, elle fouille le sol, en tire les pommes de terre, les soupèse, me les passe ; puis je la renvoie dans son fauteuil.

C. Même intervalle que plus haut.

Sa sœur se marie ; la table de noce est préparée. Elle en fait d’elle-même la description, entremêlée de réflexions de circonstance : « On a bien fait les choses chez nous ; que de plats ! C’est sans doute le mari qui paye. » Nous sommes censés casser des noix. D’une des coquilles nous faisons un bateau, je lui présente un couvercle de boîte. Elle : « Qu’il est joli ! mettons-le sur l’eau. » Ainsi fait. Moi : « Comme il grandit ! — C’est une barquette ! — Ne voyez-vous personne dedans ? — Il y a deux messieurs. — Et encore qui ? — Une demoiselle. Comme ils sont loin ! c’est à peine si on les voit encore. — Voici qu’ils reviennent ; ils veulent aborder. Ah ! mon Dieu, la demoiselle tombe à l’eau ! » J… se précipite à son secours. « Tenez, lui dis-je, voilà une corde. » Et je lui présente une corde que j’ai préparée. Elle la saisit, se penche et retire la demoiselle avec un effort et une anxiété visibles. Réveillée, elle sourit. « Eh bien, monsieur, voici : J’ai d’abord vu la fille C… qui bêchait le jardin. Vous l’aviez fait venir parce que j’étais fatiguée, etc… (Aucun détail n’est oublié.) Puis, ma sœur devait se marier…, etc. (Même fidélité et même sûreté du souvenir.)

« Mais, lui dis-je, avant la scène du jardin, n’avez-vous pas fait autre chose ? — Je ne me rappelle pas. Tout ce que je sais, c’est que j’étais fatiguée. » (Je fais remarquer ici qu’elle a établi d’elle-même comme un lien entre le songe A et le songe B, et je saisis l’occasion.) « Pourquoi étiez-vous fatiguée ? — Je ne sais pas. » Alors, je tire de ma poche avec une légère affectation mon mouchoir. À cette vue, le souvenir revient intégralement. (Cf. 23 février, 3e expérience.)

La démonstration de ma thèse me paraît complète.

Je n’avais plus qu’à vérifier ce que j’ai avancé à propos des suggestions faites à l’état de veille, mais à réaliser dans l’état hypnotique (voir 24 février, 1o).

Voici ce que je lui dis, sans y mettre aucune insistance : « Je vai vous endormir. Je vous présenterai la boîte aux timbres. Elle se changera en une cuvette contenant du linge lavé. Vous tirerez ce linge et vous l’étendrez sur l’herbe. La cuvette en contiendra une quantité extraordinaire, assez pour en couvrir toute une campagne. Cette campagne vous apparaîtra ensuite comme couverte de neige. Une foule de gens y glisseront et patineront. Vous glisserez comme tout le monde. Vous verrez aussi beaucoup de belles dames en traî-