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DELBŒUF. — la mémoire chez les hypnotisés

qui tenait le cerf-volant ? Elle regarde au loin tout autour d’elle, elle ne le voit pas. Je lui montre alors mon fils, elle lui met à l’instant la main dessus. Je la réveille. Elle sourit. Tout son rêve lui revient, et non pas seulement le rêve du tire-bouchon, mais aussi celui des changements de personne.

Ces deux rêves sont chez elle bien distincts ; elle les relie par une circonstance de temps. « Avant cela, j’ai vu M. Masius, etc. »

Une conclusion provisoire s’impose, c’est que le sommeil hypnotique non interrompu, ou l’intervalle entre deux réveils, est constitué par un certain état organique capable d’associer les impressions imaginatives subies pendant cet état. Si cette conclusion est légitime, elle corrobore la théorie de la mémoire rappelée plus haut. Cette conséquence sera vérifiée la prochaine fois.

5o — Ordre à accomplir au réveil. Faire le tour de la chambre, sortir par une porte, aller éteindre une bougie dans la chambre à côté, rentrer par une autre porte, donner trois coups sur l’épaule du conseiller, se rasseoir, se rendormir et oublier. — Exécution fidèle ; pas de souvenir. Même observation que plus haut. J… n’a pas l’air d’être éveillée ; je puis ajouter qu’elle ne l’est pas.

5 mars. — Trois expériences ayant pour objet de vérifier trois conclusions émises provisoirement dans ce qui précède.

1o — (voir 17 février). Je lui rends le rêve de la procession avec plusieurs variantes. Je l’éveille au moment où elle fait le signe de la croix. — Souvenir complet.

2o — Trois rêves différents, séparés par des intervalles de plusieurs minutes. Je ne la réveille qu’au dernier (voir quelques lignes plus haut, 3 mars, 4o, réflexion finale).

A. J… doit décrocher, puis rattacher les rideaux du salon ; ils sont pleins de poussière. Je lui passe mon mouchoir de poche ; elle se lève, le secoue vigoureusement, puis va le pendre à la fenêtre. Elle l’y fait tenir en le passant derrière la corde d’un store. Elle vient se rasseoir.

B. Repos de trois à quatre minutes. « Il est temps de bêcher le jardin. » Approbation. « Je vais prendre la bêche. — Vous êtes trop fatiguée ; je vais demander la fille C… La voilà qui bêche déjà. — Elle ne bêche pas fort bien. — C’est bon tout de même. » J. hausse les épaules. « La fille C… pourrait planter les pommes de terre. — Oui, mais elle ne les plante pas fort bien. — Bah ! ça ira. — Ma foi, elle ne s’en tire pas trop mal. » Comme je l’ai dit déjà, J… a beaucoup de spontanéité et conduit elle-même son rêve ; en voici un nouvel exemple. Moi : « Voyez donc ! elles poussent déjà ! — Oui, tenez, en voilà même qui ont des fleurs. » Moi, avec un ton admiratif : Et là-