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Je l’endors en quelques secondes. Pour comprendre le choix de ce rêve, on doit savoir qu’il y a trois ans, elle a été acteur dans une scène peu différente de celle qu’on va lui représenter. Je reproduis textuellement le dialogue.

« Madame se porte bien maintenant. — C’est bien heureux, monsieur. — C’est dommage qu’elle a gagné un rhume (exact). — Espérons que ce ne sera rien. — Je ne sais ; voyez comme encore une fois elle est rouge dans la figure (ma femme est présente). — Oui, monsieur, fort rouge. — Approchez-vous et sentez ses mains ; ne sont-elles pas si chaudes ? — Fort chaudes, en effet. — En revanche ses jambes sont toutes froides. — Elles sont vraiment froides. — Je pense qu’il serait bon de lui mettre une bouteille d’eau chaude aux jambes. — Vous croyez ? — Oui, allez ! on vous en donnera une en bas. » Elle descend avec un peu plus de lenteur qu’à l’ordinaire, et ma fille lui remet une bouteille chaude toute préparée. Elle la rapporte et s’agenouille pour la fixer aux jambes de ma femme. Je choisis ce moment pour la réveiller.

Elle est étonnée de se voir aux pieds de sa maîtresse ; elle cherche la bouteille qu’elle ressaisit ; et alors elle nous raconte tout son rêve avec ses moindres incidents : la rougeur de la figure, la chaleur des mains, la froideur des jambes, la bouteille présentée par ma fille.

3e Expérience. Le sujet du rêve est moins dramatique ; le lien d’attache avec la réalité plus faible. Je ne lui annonce rien à l’avance.

Elle est endormie en quelques secondes. Nous partons pour la promenade, nous passons devant de belles maisons. L’une surtout nous frappe par la richesse de sa façade. À côté se trouve le jardin clôturé d’une grille. La maison appartenant à un de mes bons amis, je puis pénétrer dans le jardin. Devant nos yeux un parterre de fleurs. Elle le décrit : des roses, des marguerites, des myosotis, des résédas. Elle cueille un bouquet pour Madame ; lie le bouquet avec un jonc qu’elle arrache à quelque distance ; présente le bouquet à Madame qui l’accepte et la remercie.

Sur mon conseil, elle cueille un bouquet pour elle-même et le fixe à son corsage. Elle vient se rasseoir. Je manifeste le désir d’en avoir un à mon tour. « Prenez le mien, me dit-elle. — Je ne veux pas vous en priver. — Je n’y tiens pas. » Elle détache son bouquet et me le passe. Je le mets dans mon mouchoir pour le parfumer, et je lui fais flairer mon mouchoir. Au moment où elle aspire fortement, je la réveille. « Qu’est-ce que vous faisiez là ? — Je sentais votre mouchoir. — Pourquoi ? — Parce qu’il renfermait une bonne odeur (remarquez qu’elle se sert de l’imparfait). — Quelle espèce d’odeur ? — Je n’en