Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/461

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
457
DELBŒUF. — la mémoire chez les hypnotisés

reur invincible ; il recule, je veux m’approcher ; à l’instant, il jette un grand cri, ouvre la porte, et se précipite à travers l’escalier. M. Ch… et le petit compagnon se mettent à sa poursuite. Il pénètre dans une pièce de l’entresol et se blottit entre un meuble et la muraille, la face contre terre. M. Ch… essaye en vain de le réveiller. D’un autre côté, moi-même, qui en avais le pouvoir, je n’osais aller vers lui, par crainte d’un malheur. Enfin, je me hasarde à descendre, à me rapprocher de lui, et de loin je lui parle. C’est ici que je fis appel aux notions de psychologie que je lui avais données : « Mon petit ami, vous savez que vous faites un rêve ; je vous ai fait croire que je suis un voleur ; je ne suis pas un voleur. Vous dormez, laissez-moi vous éveiller. » À ces mots, il sort un peu de son coin, et avance sa figure terrifiée. Une certaine détente se produit ; mais quand je veux le saisir pour lui souffler dans la figure, il résiste et se dérobe. Il demande à remonter. Ce à quoi nous ne nous opposons pas. Je le priais de se laisser réveiller. « Non, non, quand nous serons dans la chambre. » Là il prit la lampe comme pour bien m’examiner, puis se laissant approcher, il fut tiré de son sommeil. Oubli total. Je ne doute pas que si j’avais pu le réveiller quand il descendait l’escalier ou quand il se blottissait dans l’angle du mur, le souvenir de ce qui s’était passé se serait ravivé.

Ici s’arrêtent ces expériences. À partir de ce jour j’opérai avec J…

V

23 février. — Les expériences qui suivent ont pour principal objet de vérifier les inductions que l’on peut tirer des expériences de la veille dont les sujets furent A et B.

1re Expérience, ayant pour but de constater la profondeur de l’oubli.

J… est endormie. Je lui persuade qu’elle a froid, et qu’elle ferait bien de s’envelopper d’un châle. Elle se lève, endosse rapidement mon pardessus, accuse un véritable bien-être, se rassied. Je la réveille tout de suite. Elle reste quelques instants sans s’apercevoir de son accoutrement, puis n’y comprend absolument rien. Je lui raconte son rêve ; elle en est d’autant plus stupéfaite que l’oubli est absolu.

2e Expérience. Provocation du souvenir.

J… est avertie qu’elle se souviendra du rêve que je vais lui donner. Son attente est vivement excitée.