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DELBŒUF. — la mémoire chez les hypnotisés

Les expériences furent peu nombreuses, mais topiques. De l’une d’elles il résulte que les états de veille peuvent suggérer les états hypnotiques. Je ne m’étais pas proposé d’abord d’étudier cette face de la question, mais comme elle s’est présentée à moi, je n’ai pas cru devoir la négliger, et j’ai consigné ici les quelques recherches que j’ai faites dans cette voie nouvelle. Elles m’ont paru intéressantes et se rattachent, du reste, à la question de la mémoire chez les hypnotisés.

Je désignerai par les lettres A et B les deux sujets qu’il me présenta. Ils ont été (il y a un an) hypnotisés par Donato et depuis lors par deux autres personnes. Ils sont l’un et l’autre âgés de treize à quatorze ans ; ils ont fréquenté l’école jusque vers l’âge de douze ans et sont maintenant en apprentissage.

Tous deux sont petits, assez robustes ; B, cependant plus trapu, plus musculeux, avec une belle grosse figure, et un regard bien franc et bien clair ; l’autre A, plus maigre, plus nerveux, et de figure plus sérieuse.

Intelligents d’ailleurs, trouvant du plaisir à être magnétisés. L’un, c’est B, sait hypnotiser A ; mais la réciproque n’a pas lieu.

A est arrivé le premier. J’ai essayé de l’hypnotiser, sans réussir. M. Ch… l’a hypnotisé tout de suite. Il le regarde de haut et de très près dans les yeux, tenant lui-même les yeux durement ouverts. C’est la dernière manière de Donato. En quelques secondes, le sujet est complètement raidi, rejette les bras en arrière et suit pas à pas le magnétiseur en le regardant fixement sous le nez et en écartant avec violence toute espèce d’obstacle. La physionomie est bête et immobile ; la voix sourde et indistincte.

Les phénomènes de catalepsie ordinaires, oubli du nom, etc.

Un bras non catalepsié, placé près d’un aimant caché sous le tapis, ne se contracture pas. Il se contracture quand on place l’aimant sur le dos de la main ou dans la main. Un fer froid non aimanté ne produit aucun effet.

D’ailleurs, aucun phénomène de transfert. Le bras catalepsié reste tel sous l’influence de l’aimant.

Je demande à M. Ch… de me mettre en rapport avec le sujet. Sur ces entrefaites, B entre, et assiste avec intérêt et plaisir à la scène qui va suivre. À me regarde de très près dans la figure ; j’essaye de l’éloigner et j’y parviens dans une certaine mesure. Je fais semblant d’appeler un oiseau et je dis que l’oiseau est sur son doigt, il ne le voit pas. J’insiste, il le voit ; c’est un chardonneret.

Ce sujet commence toujours par se refuser à la suggestion ; il faut y revenir par deux et trois fois pour qu’elle opère. Je ferai cette