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rappeler ce qui va se passer. M. Féré lui suggère de lui prendre son bonnet — ce qu’elle fit à l’instant.

Ici, entre lui et elle, un dialogue dont le but est d’attacher son attention sur l’acte qu’elle vient d’accomplir : « Qu’as-tu en main ? — Votre bonnet. L’étoffe ? — Du velours. Palpe-le bien pour t’assurer que c’est du velours. — C’est ce que je fais. — Tu as bien dans tes mains la sensation du velours ? — Oui. — Tu sens que c’est souple et moelleux ? — Sans doute. » Et ainsi de suite pendant quelque temps sur le même thème.

« Mets mon bonnet dans ta poche. — Pourquoi ? — Parce que je le désire… — Maintenant qu’il est dans ta poche, tu sens qu’il y est, qu’il est en velours ? » Même insistance. « Attention ! je vais te réveiller, et tu me diras ce que tu as fait. »

La W… est réveillée. Sa figure, parfaitement tranquille, ne manifeste ni curiosité, ni surprise. « Tu ne te souviens de rien ? — Vous savez que je ne me souviens jamais de rien. Qu’est-ce que vous m’avez encore fait ? — Rappelle-toi, voyons ! — C’est inutile, je n’ai aucun souvenir. — Qu’as-tu fait de mon bonnet ? Tu me l’as pris. — Mais non. Pour quoi faire ? — Que sais-je ? Tu ne te rappelles pas avoir eu en main quelque chose en velours (et M. Féré fait le geste de palper, de triturer une étoffe) ? — Non ! vous savez que je n’aime à toucher ni le velours ni la soie ; ça m’agace. »

L’interrogatoire se prolonge dans cette voie sans succès. La W… : « Vous aurez déposé votre bonnet quelque part. » Elle parcourt la salle des yeux, cherche dans les tiroirs de l’air d’une personne qui veut rendre service à une autre. Enfin M. Féré : « Sens dans ta poche ; il me semble t’avoir vue l’y mettre. » Protestation : inutile qu’elle sente ; pourquoi aurait-elle pris ce bonnet ? — Nouvelle insistance. Elle obéit, le tire : « Quelle farce ! s’écria-t-elle. Vous l’y avez mis pendant mon sommeil. J’ai été bien bonne de chercher. Je devais me douter de quelque chose. »

« Vous voyez », me dit M. Féré. Mais, ce n’était pas là l’expérience que je l’avais prié de faire. Je lui demandai de vouloir bien suivre de point en point mes indications.

M. Féré se prêta de bonne grâce à mon désir. Aucun préparatif n’est nécessaire ; il y a justement sur la table une cuvette pleine d’eau. La W… est rendormie. On lui fait la recommandation de se rappeler son rêve à son réveil.

Je reproduis fidèlement le dialogue. M. Féré a son bras passé autour du cou de la jeune femme : « Tu te sens bien ? — Très bien. — Moi aussi, je suis heureux ; je suis près de toi ; je fume un excellent cigare. Quel parfum il exhale ! — Excellent ! — Et comme il brûle