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de Jussieu sur le mesmérisme, qu’il contient intégralement, et il est vraiment étonnant, à mon sens, combien, dès cette époque, Bertrand avait vu juste.

Depuis lors, je n’ai jamais perdu de vue la question du somnambulisme, toutefois sans en faire un objet d’étude ou de publication. À l’occasion seulement des phénomènes présentés par la célèbre stigmatisée du Bois-d’Haine, j’ai soutenu dans la presse, sous le voile de l’anonyme et dès le 22 décembre 1869, qu’il fallait les attribuer uniquement à la puissance d’une imagination surexcitée de malade, et je niais expressément la supercherie et le miracle. Plus tard encore, lorsque le fameux magnétiseur Donato fut si malmené par les Parisiens comme convaincu de charlatanisme, je soutins dans un article toujours anonyme que les manifestants avaient raisonné à rebours. Le cas de Donato rappelait une mésaventure semblable, arrivée à Liège quelque temps auparavant à M. Hansen, et qui eut pour lui des conséquences désastreuses. Le récit en précédait son arrivée dans les villes qu’il s’était proposé de visiter, et jetait une déconsidération imméritée sur sa personne et ses expériences. Voici le fait.

M. Hansen avait été invité à donner une représentation au Sport nautique, cercle composé de jeunes gens de bonne famille. Un farceur se proposa de mystifier M. Hansen ; il joua admirablement le rôle d’un sujet extraordinairement sensible. Catalepsie, extase, hallucination, tours de force, furent par lui imités et exécutés avec une véritable maëstria. M. Hansen ne cessait de se féliciter d’avoir mis la main sur un sujet aussi remarquable, et c’était à lui qu’il demandait ses effets les plus curieux. Mais, au moment où l’attente semblait être le plus vivement surexcitée, l’acteur jette le masque et traite M. Hansen de charlatan. Les spectateurs, dont bon nombre étaient dans le secret, éclatent en applaudissements pour le mystificateur, en huées à l’adresse du mystifié, et M. Hansen dut se dérober à des manifestations qui prenaient une allure d’hostilité de plus en plus prononcée.

Or, en cette occurrence, les Liégeois ont aussi raisonné au rebours de la logique. Il est évident que si, dans ses exhibitions, M. Hansen ne s’entourait que de compères, il n’aurait pas accepté ce membre du cercle comme sujet, il n’eût produit que ses affidés. Le tour même dont il fut victime, prouvait sa bonne foi, et plaidait victorieusement en faveur de la sincérité de ses expériences.

En dehors de ces deux interventions anonymes, malgré mes convictions et tout l’intérêt que je portais au problème, je n’osais me livrer moi-même à des essais qui eussent pu être mal interprétés.