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société de psychologie physiologique


À PROPOS D’UNE OBSERVATION DE SOMMEIL PROVOQUÉ À DISTANCE[1]

La communication de MM. le Dr Gibert et Pierre Janet dans la dernière séance, relative à un cas de sommeil provoqué à distance, m’a rappelé une observation, concernant un fait analogue, que j’ai eu l’occasion de lire, il y a quelques années, dans la Tribune médicale (nos des 16 et 30 mai 1875). Comme on le voit, cette observation remonte à une époque où l’étude scientifique de l’hypnotisme et de ses divers états allait seulement commencer. Le travail dont je désirerais donner quelques extraits à la Société n’est pas signé ; mais j’ai appris qu’il était de M. le Dr Dusart, ancien interne des hôpitaux de Paris.

Il s’agit, dans l’observation de M. Dusart, d’une jeune fille de quatorze ans à laquelle il fut appelé, en 1869, à donner ses soins pour des troubles hystériques graves : paralysie de la vue et de l’odorat, perversion du sens du goût, abolition des mouvements et de la sensibilité dans le bras droit et dans les deux jambes, oesophagisme, rachialgie, tendances au suicide. Voici comment M. Dusart eut l’idée d’endormir sa malade : le spasme de l’œsophage était tel qu’il fallait la nourrir à la sonde ; « mais, dominée par des idées de suicide, elle engage chaque fois avec nous une lutte acharnée pour s’opposer à l’introduction de tout aliment. Nous devons être trois, souvent quatre, pour triompher de sa résistance… Les aliments introduits, la malade fait des haut-le-corps, des efforts de vomissement, crache d’une façon continue et pousse des hurlements pendant plusieurs heures.

« Les parents, dont l’intelligence est au-dessous de la moyenne et qui sont imbus de préjugés, s’opposent à l’emploi des stupéfiants et de tout agent susceptible d’apporter du calme. Dans de telles conditions la malade dépérit rapidement et nous donne de vives inquiétudes. Cette lutte pour l’alimentation dura depuis les premiers jours de juin jusqu’à la fin d’octobre. C’est alors que je proposai à la famille un moyen auquel je songeais depuis quelque temps, le sommeil magnétique.

« Toutes mes notions sur le magnétisme se bornaient aux quelques souvenirs que j’avais conservés lors de mon passage, comme interne, dans le service d’Aran. J’avais souvent vu ce médecin endormir une hystérique, et je me disais que j’améliorerais sans doute beaucoup la situation de Mlle J…, si je pouvais assurer sa digestion, en provoquant après chaque repas un état de sommeil ou, tout au moins, de calme suffisant. » Le Dr Dusart essaya donc de l’endormir au moyen de passes,

  1. Communication faite à la séance du 28 décembre 1885. Présidence de M. Charcot.