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successivement à M. X.., qu’il est un paysan madré et retors, puis Harpagon, et enfin un homme extrêmement vieux ; et on lui met la plume à la main. En même temps qu’on voit les traits de la physionomie et les allures générales du sujet se modifier et se mettre en harmonie avec l’idée du personnage suggéré, on observe que son écriture subit des modifications parallèles, non moins accentuées, et revêt également une physionomie spéciale particulière à chacun des nouveaux états de conscience. En un mot, le geste scripteur s’est transformé comme le geste en général (fig. 2, 3, 4).

Voici d’autre part (fig. 5, 6) l’écriture d’une dame chez laquelle on obtient également avec la plus grande facilité l’état de veille somnambulique : on lui suggère qu’elle est Napoléon, puis on la ramène à l’âge de douze ans. Deux écritures bien différentes correspondent encore à ces deux états de personnalité (fig. 5 bis, 6 bis).

La première conclusion à tirer de ces expériences, et celle sur laquelle nous tenons à insister, c’est qu’elles démontrent que les variations de l’écriture sont fonction des variations de la personnalité.

Par cela même est établi le principe de la réalité possible de la graphologie.

Elles démontrent en outre sa réalité effective, en ce sens que les variations de l’écriture, observées parallèlement aux variations de la personnalité, reproduisent, dans leurs traits généraux au moins, les signes caractéristiques attribués par les graphologues aux diverses personnalités suggérées.

Mais nous ne voulons pas aujourd’hui insister plus longtemps sur ce point, et nous nous bornerons à faire remarquer que les changements opérés dans l’écriture ont porté : 1o sur les dimensions des lettres ; 2o sur leur contexture ; 3o sur l’épaisseur des traits ; 4o sur leur direction générale. Il reste à vérifier ou à établir les lois de ces variations, et à les expliquer physiologiquement : ceci est d’ailleurs la science à faire, et nous communiquerons prochainement à la Société les observations que nous avons faites dans ce sens.

Quoi qu’il en soit, ces expériences de graphologie expérimentale, qui paraîtront sans doute décisives, offrent un moyen bien simple de contrôler et d’apprécier les observations des graphologues, moyen qui consiste à soumettre à ces observateurs des écritures obtenues comme il est dit ci-dessus, et à leur proposer le diagnostic des personnalités suggérées. Cet essai, qui a été fait trois fois entre nous, a donné trois diagnostics exacts.

Enfin, ces expériences comportent une troisième conclusion, à savoir que les spirites, qui arguent des écritures différentes des médiums écrivains pour affirmer l’existence réelle de personnes différentes qui guideraient leur main, ne peuvent être admis à faire valoir ce fait à l’appui de leur système. La variabilité de la personnalité étant suffisante pour l’expliquer, l’hypothèse de la variété des personnes doit être écartée.

Ce sont là, pensons-nous, les premiers essais de graphologie expérimentale