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ANALYSES.th. lipps. Psychologische Studien.

grandeurs, celle d’un objet à l’autre et celle d’un objet à nous, le sentiment musculaire ne saurait nous donner l’une, précisément parce qu’il nous donne l’autre, etc., etc.

Quant au nativisme mitigé, M. Lipps, nous le savions déjà, refuse la « synthèse psychique » de Wundt, comme un concept étranger et superflu. Nos sentiments d’innervation, dit-il, ne peuvent rien nous faire connaître de l’espace visuel, sinon en se réglant sur les signes locaux et l’hypothèse des signes suffirait en conséquence. Mais le nativisme pur se désiste trop vite, en supposant préétabli dans ces signes locaux l’ordre des impressions qu’il s’agissait d’expliquer.

Bref, ni les uns ni les autres n’ont tenu compte des distinctions objectives. Elles doivent pourtant nous donner, et elles nous donnent en effet la localisation. Seule la différence des signes locaux (le signe est un simple point), qui se traduit en différence des lieux à la faveur du pouvoir irréductible de l’organe, est à considérer, et les différences ou rapports des signes valent par eux-mêmes. Il faut, en un mot, partir de ce fait, que les impressions différentes nous obligent à exécuter des mouvements qui les portent sur des points spéciaux de la rétine. Or, les impressions affectant des parties voisines de la rétine (on aurait un analogue dans la propriété attribuée aux plaques de Corti) tendent à se fusionner, et celles qui affectent des parties éloignées tendent à garder leur indépendance. Il arrive à la fin que la tendance de la rétine à fondre ou à séparer deux représentations s’affranchit de la qualité des impressions, et c’est elle alors qui les ordonne dans le champ visuel de la manière qu’on la constaté.

Toute réserve est faite touchant l’apprentissage de l’espèce, la qualitée héritée grâce à laquelle l’aveugle-né opéré possède déjà l’intuition de l’espace, et qui est cause peut-être que nous attachons forcément l’idée d’espace à toute impression lumineuse.

2. Le continuum, etc. — M. Lipps se prononce, dans la question du comblement de la tache aveugle, contre Helmhotz, et il développe une vue empruntée à Wund. Sa conclusion est que nous voyons dans la lacune ce que nous verrions à toute autre place, si les impressions qui y ont lieu et recouvrent ou modifient les impressions voisines concourantes pouvaient être un moment suspendues. Ainsi le comblement de la tache (sombre, et non pas aveugle, d’après les expériences personnelles de l’auteur) se présente comme un cas particulier de la fusion graduelle d’espace qui se produit sur toutes les parties de la rétine.

Étant donné qu’il existe en réalité beaucoup de taches aveugles sur la rétine, plus petites seulement, puisque les terminaisons nerveuses y laissent entre elles des intervalles, ce fait de fusion suffirait à expliquer comment des impressions discontinues peuvent produire une perception visuelle continue de l’espace.

3. La troisième dimension, etc. — On connaît le syllogisme de Stumpf. M. Lipps le renverse de cette façon : Nous ne voyons pas la troisième dimension ; or, la surface plane ou à courbure enveloppe la troisième