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ANALYSES.mathias duval. Le Darwinisme.

fiques les plus récentes et rendues inattaquables par la réfutation des doctrines adverses. Le livre de M. Mathias Duval est un véritable plaidoyer, sous forme d’exposé ; c’est pourquoi nous ne craignons pas de dire qu’il pourra convaincre certains esprits réfractaires, beaucoup mieux que n’aurait pu le faire la lecture même des œuvres de Darwin.

M. Mathias Duval était tout spécialement préparé, par ses études favorites, à tirer parti de l’embryologie. C’est à l’histoire de cette science et à son importance dans la question du transformisme qu’il consacre un long chapitre d’introduction. « Il n’y a pas encore un siècle, dit-il, que tous les naturalistes admettaient la préexistence de l’être tout formé dans l’œuf, y existant avec tous ses organes. Comment, avec une pareille doctrine, les faits les plus évidents de parenté probable entre diverses espèces pouvaient-ils arrêter l’attention des savants ? Comment penser à une évolution de l’espèce, puisque chaque individu d’une espèce était censé créé depuis l’origine du monde avec ses organes définitifs et son type propre ? Si, au milieu d’une génération de naturalistes qui, avec les premiers principes de zoologie, avaient appris à croire à cette préexistence des germes, un homme comme Lamarck, par un trait de génie, entrevit les lois naturelles qui rattachent les formes organiques les unes aux autres, il y a peu à s’étonner de l’ardeur de ses adversaires ; car, avec l’éducation scientifique de l’époque, il était impossible qu’il ne fût pas combattu par tous. L’absence complète de notions embryologiques et surtout les idées fausses encore régnantes dans trop d’esprits, devaient rendre alors impossible le succès de l’hypothèse transformiste. Par contre, quand, de nos jours, Darwin est parvenu à accumuler tant de preuves en faveur de cette hypothèse, c’est l’embryologie à son tour qui est maintenant appelée à venir, par la connaissance exacte des phénomènes évolutifs, fournir à l’hypothèse transformiste les preuves les plus éclatantes et lui donner la valeur du fait démontré. »

La première partie du livre de M. Mathias Duval est un exposé général du transformisme. L’auteur examine les doctrines relatives à la notion de race et d’espèce, les anciennes classifications, les lumières nouvelles jetées sur les rapports naturels et sur la parenté des êtres par la paléontologie et par l’embryologie. Puis il étudie spécialement à ce point de vue l’espèce humaine dont il montre la place dans la nature, c’est-à-dire dans l’ordre des primates. Il résume de la façon la plus claire et la plus intéressante les diverses tentatives faites pour établir l’existence d’un règne humain et étudie à ce point de vue les caractères anatomiques, cérébraux et autres, qui ont été invoqués pour justifier la séparation de l’homme des autres animaux. Il discute en dernier lieu la valeur de la religiosité, de la moralité, de la croyance au surnaturel.

La seconde partie est une étude sur les précurseurs de Darwin. Après avoir exposé rapidement les doctrines darwiniennes, M. Mathias Duval cherche les traces de ces doctrines chez les philosophes de l’an-