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notes et discussions

Aut semel… — On voit à présent l’inconséquence des logiciens, qui oublient, en démontrant les règles du syllogisme, les exceptions qu’ils ont mentionnées au chapitre de la proposition.

Le même défaut de logique réparait dans la seconde partie de la démonstration. Si les deux prémisses, dit-on, sont, l’une affirmative et l’autre négative, la conclusion sera négative, en vertu de la règle Pejorem…, et le grand terme sera universel dans la conclusion, comme attribut d’une proposition négative. Il devra donc également être universel dans la majeure. Le pourra-t-il ? Non, car le moyen terme, de son côté, doit être au moins une fois universel ; il faudra donc que les prémisses renferment deux termes universels. Or les deux propositions étant particulières, les deux sujets sont particuliers par hypothèse ; et l’une des deux prémisses étant affirmative, son attribut sera particulier. Il n’y aura donc qu’un seul terme universel, et le syllogisme sera impossible. On le voit, les logiciens supposent toujours que l’attribut d’une proposition affirmative est particulier, sans aucune exception.

IV. Critique des règles particulières a chaque figure.

1re Figure, où le moyen terme est sujet dans la majeure et attribut dans la mineure (sub-prae).

Règle : Sit minor affirmans ; major vero generalis.

1o Sit minor affirmans.

Si la mineure est négative, dit-on, la conclusion sera négative, et l’attribut de la conclusion, qui est le grand terme, sera universel ; pourra-t-il être universel dans la majeure ? Non, car la mineure étant négative, la majeure doit être affirmative. (J’ai fait voir plus haut que les deux prémisses peuvent être négatives.) Le grand terme, comme attribut d’une proposition particulière, sera particulier, et la conclusion dépassera les prémisses. C’est toujours le même paralogisme qui revient. Voici un syllogisme inattaquable qui pèche ouvertement contre la règle Sit minor affirmans :

Jules est le fils unique de Pierre,
Cet enfant n’est pas Jules,
Cet enfant n’est pas le fils unique de Pierre.

où l’on voit que le grand terme est aussi universel dans la majeure que dans la conclusion, parce qu’il est exactement déterminé.

2o Major vero generalis.

La seconde partie de la règle repose sur la première, c’est-à-dire sur un fondement ruineux. Si la majeure, dit-on, est particulière, le moyen terme, qui en est le sujet (sub-prae), y sera particulier ; comme d’ailleurs la mineure doit être affirmative, le moyen terme, qui en est l’attribut, y sera encore particulier, et la règle Aut semel… sera violée.

Je réponds par un syllogisme qui se trouve légitime en dépit de la règle Major vero generalis.

Un ex-avocat est le président actuel de la République,
Je ne suis pas un ex-avocat,
Je ne suis pas le président actuel de la République.