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mot. Et pourtant, je l’ai montré, la règle Aut semel… ne comporte que le premier sens. Or il se trouve que l’exclusion des 45 modes déclarés illégitimes repose en grande partie sur cette erreur, comme je le ferai voir plus loin.

II. Critique de la règle : Utraque si praemissa neget, nil inde sequetur.

Voici comment on l’établit. Les deux prémisses étant négatives, nous savons que les deux extrêmes sont tous deux étrangers au moyen terme ; mais sont-ils étrangers l’un à l’autre, ou ne le sont-ils pas, nous n’en savons rien. Deux hommes qui n’ont aucune relation avec un troisième peuvent en avoir entre eux ; mais ils peuvent aussi n’en pas avoir. Le rapprochement de deux propositions négatives ne peut donc engendrer aucune conclusion.

J’accorde que ce rapprochement ne produira aucun résultat fécond et vraiment instructif ; je crois pourtant que même dans ce cas il y a syllogisme. Ce syllogisme ne m’apprend rien sur les rapports que les deux extrêmes peuvent avoir ou ne pas avoir entre eux ; il m’apprend au moins qu’une certaine chose, exclue du grand terme, est en même temps exclue du petit terme. Exemple :

Je ne suis pas heureux,
Je ne suis pas savant,
Quelque non-savant n’est pas heureux.

Pierre ne connaît point Paul, Pierre ne connaît pas Jacques ; Paul et Jacques se connaissent-ils ou ne se connaissent-ils pas ? Je n’en sais rien ; mais ce que je sais, c’est qu’il y a un homme qui ne connaît pas plus Jacques que Paul ; et si je le sais, c’est par une synthèse des deux prémisses.

Or la règle Utraque… sert à exclure 4 modes : EE, EO, Œ, OO, et cela dans les 4 figures. Il est vrai que Œ pèche contre ce principe que la conclusion ne doit pas dépasser les prémisses. Quant à OO, il est exclu encore par la règle Nil sequitur… Mais nous allons voir que cette dernière règle est loin d’être inattaquable.

III. Critique de la règle : Nil sequitur geminis ex particularibus unquam.

Comment établit-on cette règle ? Les deux prémisses particulières, dit-on, ou bien sont toutes deux affirmatives, ou bien toutes deux négatives, ou bien l’une affirmative et l’autre négative. On écarte d’abord la seconde hypothèse, qui est contraire à la règle Utraque… Or je viens de montrer que cette règle est inexacte.

On poursuit ainsi. Si les deux prémisses sont affirmatives, les deux sujets seront particuliers, comme sujets de propositions particulières, et les deux attributs particuliers aussi, comme attributs de propositions affirmatives. Car c’est un principe que l’attribut d’une proposition affirmative est toujours particulier. Mais alors le moyen terme ne sera universel ni dans la majeure ni dans la mineure, ce qui est contre la règle