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notes et discussions

Et d’abord, qu’est-ce qu’un terme universel aux yeux des logiciens ? Est-ce celui qui se trouve accompagné d’une particule exprimant l’universalité, comme tous les hommes, tous les rois ? Cette définition serait trop étroite. Un terme universel, dit-on en logique, est celui qui est pris dans toute son extension ; et on nous fait remarquer qu’il y a des termes qu’on prend nécessairement dans toute leur extension : ce sont les noms propres, les noms essentiellement individuels, comme Pierre, Louis XIV, le mont Blanc, etc. En effet, ces noms, ne pouvant désigner qu’un individu, ont toujours toute l’extension dont ils sont susceptibles. Au contraire, les termes suivants : des hommes, quelques rois, un sage, sont particuliers, parce qu’ils ne sont pas employés avec toute leur extension possible.

Ici se présente une difficulté. Dans quelle catégorie rangerons-nous certains termes particuliers ou singuliers dont l’extension est parfaitement déterminée ? Par exemple : Ces hommes (que j’ai sous les yeux), mes domestiques, mon père, le président actuel de la République ? Si on les considère comme des termes particuliers, on sera obligé de supprimer la règle Aut semel… En effet, qui peut trouver répréhensible le syllogisme suivant, où le moyen terme n’a toute son extension ni dans la majeure ni dans la mineure ?

Ces hommes sont bons,
Ces hommes sont heureux,
Quelques heureux sont bons.

Pour sauver la règle Aut semel…, il faut regarder ces termes comme universels, et faire remarquer que l’expression : Ces hommes, équivaut logiquement à un seul terme, et que ce terme est pris dans toute son extension, puisqu’il désigne un groupe déterminé d’individus.

Nous pouvons donc poser en principe que tout terme à extension déterminée, qu’il soit sujet ou attribut d’une proposition, possède en logique la valeur d’un terme universel. La conséquence qui en découle immédiatement, c’est que l’attribut d’une proposition affirmative est quelquefois universel, même en l’absence des déterminatifs : tous les, toutes les. Les logiciens ont pris soin de le faire remarquer. Après avoir enseigné qu’en règle générale l’attribut d’une proposition affirmative est particulier, ils ajoutent qu’il y a deux exceptions : 1o quand la proposition est une définition ; 2o quand l’attribut est un terme individuel. Élargissant cette seconde exception, je dirai que l’attribut d’une proposition affirmative est universel (au sens logique du mot) toutes les fois que son extension est déterminée.

Jusqu’ici je suis d’accord avec tout le monde. Mais voici un fait inexplicable. Les logiciens, après avoir posé ces exceptions dans la théorie de la proposition, sont unanimes à les oublier dans la théorie du syllogisme. En traitant de la proposition, ils donnent au mot universel un sens conventionnel et technique, ils en font le synonyme de déterminé ; en traitant des figures et des modes, ils reviennent au sens usuel du