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LESBAZEILLES. — bases psychologiques de la religion

gion rentre manifestement dans cette catégorie de faits, son explication doit être cherchée là où de pareils faits ont nécessairement leur point d’appui. Si les phénomènes religieux sont réellement des phénomènes mentaux enregistrés et organisés dans l’espèce, c’est dans les régions où le mental s’enregistre et s’organise qu’on peut en découvrir l’origine ; et ces régions, encore une fois, ce ne sont pas celles de la représentation, ce sont celles de l’action.

Nous comprenons à présent comment la psychologie peut éclairer nos investigations et modifier le sens de nos recherches. Elle a montré avec évidence au lecteur, si nous avons été pour elle de fidèles interprètes, la nécessité de trouver à la religion un fondement, non objectif et représentatif, mais subjectif et pratique. Ce premier point acquis, essayons de découvrir comment on peut faire la détermination d’une telle base, et de quelle façon alors on doit présenter la formation des religions.

III

Il s’agit, comme nous l’avons dit, de trouver à la religion un fondement subjectif et pratique. Or, ce fondement, où pouvons-nous le chercher ? Sera-ce dans l’activité individuelle et dans l’adaptation personnelle de l’homme au milieu qui l’entoure ? Est-ce la correspondance des connexions de mon organisme avec les connexions externes qui pourra me fournir un élément capable de s’ériger en croyance ? Non, et voici pourquoi.

Parmi les relations que mon être soutient avec le milieu et qui déterminent à chaque instant mon équilibre organique et mental, il y en a de deux sortes : les unes qui me sont propres, c’est-à-dire qui n’ont lieu qu’entre mon individualité, placée en un point déterminé de l’espace et agissant à un moment donné du temps, et le milieu immédiat, et qui disparaîtraient ou changeraient de nature si un autre sujet se substituait à moi ; les autres qui me sont communes avec le reste des hommes, ou tout au moins avec ceux qui vivent à la même époque et habitent des régions analogues. Les premières sont les éléments de mon adaptation personnelle et n’influencent que ma vie propre ; les autres sont des éléments de l’adaptation collective et me régissent comme être social. Or, de ces deux sortes de conditions, les premières sont évidemment inaptes à fournir un fondement stable à aucune croyance. Je ne saurais, en effet, en vertu de leur nature même, me les représenter sous des traits constants, ni