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LESBAZEILLES. — bases psychologiques de la religion

l’action qui font que son exécution est nécessairement accompagnée de conscience. Le premier mode d’explication est évidemment seul de nature à satisfaire complètement l’esprit, puisque seul il remonte aux causes mêmes ; mais les résultats des recherches scientifiques sont encore trop incertains sur ce point pour qu’il soit utile de les exposer. Contentons-nous d’exposer brièvement les données auxquelles a conduit la seconde méthode.

Pour qu’un acte puisse être affirmé comme capable de s’exécuter sans conscience chez un être, il faut que la connaissance exacte du système nerveux de cet être permette à un observateur de prévoir ce que l’acte sera nécessairement ; dans tous les cas où une telle prévision est impossible, et où l’adaptation — qu’elle soit entièrement nouvelle ou résulte d’une modification d’anciennes adaptations — ne résulte pas immédiatement de la structure générale du système nerveux, il y a tout au moins présomption que la conscience apparaîtra. On voit, à ce compte, comment un seul et même acte peut se produire avec conscience chez un être, sans conscience chez un autre, et comment le même être peut, à diverses époques de sa vie, occuper les deux situations vis-à-vis d’un acte donné. Ainsi, est inconscient tout ce qui trouve dans l’organisme un mécanisme tout préparé ; est conscient tout ce qui a besoin, pour s’exécuter, d’une combinaison nouvelle des éléments nerveux. La condition d’apparition de la conscience consiste donc, en dernière analyse, dans l’indétermination de la structure nerveuse relativement à l’acte virtuel, indétermination qui se traduit dans le moi par le choix et par l’effort.

Nous allons comprendre, à présent, quel est le rôle de la conscience dans l’activité psychique, et ce qu’elle peut y ajouter. Puisque son apparition signale l’exécution d’un acte que la constitution présente du système nerveux (nous disons la constitution, et non l’état) n’explique pas directement, et vis-à-vis duquel ce système est morphologiquement (non pas physiologiquement) indéterminé, on est en droit de dire que, toutes les fois qu’il y a conscience, il y a production d’une adaptation nouvelle, genèse entre les éléments nerveux d’une relation qui n’existait pas encore. Or, cette relation ne va pas se détruire aussitôt après sa formation : elle s’enregistrera dans l’organisme et changera l’équilibre général du système, en introduisant un nouveau facteur dans la production des actions subséquentes. Par suite, tandis que l’activité inconsciente laisse l’organisme dans l’état préalable et ne devient le point de départ d’aucun nouveau développement, l’action consciente est modificative, et sert de noyau, en quelque sorte, à une nouvelle évolution ; elle pose la première pierre d’un édifice qui s’élèvera sous sa direction, pour disparaître