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nant on incline à penser que toutes les actions dont les organismes, animaux ou humains, sont le théâtre, peuvent s’accomplir suivant deux modes, le mode conscient et le mode inconscient, et que rien d’essentiel n’est changé en elles quand le second se substitue au premier. En d’autres termes, le système nerveux, y compris le cerveau, est un instrument à deux jeux, qui joue les mêmes airs sur l’un et sur l’autre, et qui, en échangeant l’un contre l’autre, ne modifie que le timbre de ses effets. S’il en est ainsi, il est évident que le fond des manifestations psychiques doit consister dans la partie commune au mode conscient et au mode inconscient, c’est-à-dire dans l’activité elle-même, dans la réaction de l’organisme contre le milieu, et n’est nullement borné à la partie propre au mode conscient, c’est-à-dire à la représentation de l’activité, à l’idée de la réaction. La conscience n’est, par suite, qu’un élément surajouté, un perfectionnement du phénomène : elle n’en constitue pas l’essence. L’animal, peut-on dire — et notre définition s’applique, bien entendu, à l’homme — est un être réagissant sans cesse contre les circonstances ambiantes, avec une précison plus ou moins grande suivant le degré d’évolution de son organisme, et qui se consacre à cette adaptation continue, tantôt à la façon d’un pur automate, sans en acquérir aucune notion, tantôt avec le concours d’une lumière interne et en se donnant son activité en spectacle. Bref, des actions réflexes, simples et composées, capables de rester au-dessous de l’horizon de la conscience ou de s’élever au-dessus, en conservant, dans les deux situations, la même nature intime : telle est, pour la science positive, la définition de l’activité psychique.

Mais, dira-t-on, que devient, dans une telle conception, le rôle de la conscience ? Comment en expliquer la genèse et quelle valeur lui accorder ? D’où naît et que vient faire cet élément surérogatoire, cette complication en apparence inutile ? À quel foyer s’allume cette lumière, et pourquoi vient-elle éclairer la scène ? La science n’est pas complètement hors d’état de répondre à ces graves questions, quoique ses réponses n’aient pas encore la précision qu’on est en droit d’exiger d’elles. Résumons-les en quelques traits, car elles importent fort à notre objet, et nous seront plus tard d’une grande utilité.

En ce qui concerne l’origine de la conscience, l’explication peut suivre deux voies différentes : ou bien l’on essaye de découvrir les conditions physiologiques elles-mêmes qui déterminent son apparition, l’élément biologique qui s’ajoute aux éléments préexistants lorsque l’activité du sujet devient consciente ; ou bien l’on se borne à chercher quels sont, relativement à ce sujet, les caractères de