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LESBAZEILLES. — bases psychologiques de la religion


II

Les inconvénients de toute méthode qui n’est pas celle-là sautent aux yeux dès le premier regard. Comme il est facile de s’en apercevoir, les éléments auxquels on a cru pouvoir ramener les religions sont exclusivement formels et représentatifs. On ne s’est même pas posé la question de savoir si les faits représentatifs peuvent acquérir par eux-mêmes un caractère de plénitude et d’indépendance, s’ils n’ont pas besoin d’être étayés et complétés par d’autres faits, si, par suite, toute explication réelle des manifestations de l’esprit ne doit pas se référer à une couche plus intime et plus profonde que la leur. La nature primitive et la valeur absolue des représentations (sans lesquelles toute genèse fondée sur elles est illusoire), a été implicitement admise, sans aucune discussion préalable, par les théoriciens de la religion. Ils ne se sont nullement demandé si le représentatif (perceptif ou rationnel) n’implique pas le pratique, si toute forme consciente n’enveloppe pas une matière inconsciente inhérente au sujet même. Par là leur œuvre était destinée à rester incomplète et artificielle ; il y a donc lieu de la refaire en s’appuyant sur les lois générales de la psychologie. Il faut, après avoir acquis une idée exacte du fonctionnement général de l’esprit et des relations réciproques entre les diverses classes de faits psychiques, tâcher de reconstruire avec de telles données le fond nécessaire de toute religion ; il faut chercher ce que la religion peut être, après s’être enquis de ce qu’est le milieu où elle vit. C’est ainsi seulement qu’on peut donner à ces études un but positif et un sens précis : nous voudriont indiquer en quelques mots comment il nous semble qu’on pourrais les diriger.

La loi générale qui domine toute la psychologie, d’après les vues actuelles, est la subordination universelle de l’activité consciente à l’activité inconsciente, loi qui est elle-même le corollaire de la suivante : L’acte réflexe est le type de l’activité psychique. En effet, les recherches biologiques des dernières années ont profondément modifié les anciennes idées sur la conscience, et le vieux problème des rapports de l’âme et du corps se présente aujourd’hui sous un aspect tout nouveau. Tandis qu’autrefois on supposait avec Descartes une substance spirituelle placée derrière les organes et se servant d’eux comme un musicien se sert de son instrument, ou tout au moins avec Spinoza une série psychique radicalement distincte de la série physiologique, quoique rigoureusement parallèle à celle-ci, mainte-