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LESBAZEILLES. — bases psychologiques de la religion

doit se ramener à l’inférieur, c’est que chaque classe de phénomènes prend naissance dans la classe qui la précède immédiatement dans l’ordre de la complexité croissante, c’est qu’une manifestation donnée est toujours l’épanouissement d’une manifestation moins élevée.

Ainsi, chercher un fait général qui exprime l’essence de tous les faits religieux, et dont ceux-ci puissent être considérés comme des modifications évolutives, puis rattacher ce fait général à la constitution même de l’esprit en déterminant les relations qu’il soutient avec elle : voilà le but théorique de la science des religions. Le seul procédé qui lui convienne, peut-on dire encore, consiste à pousser l’analyse des éléments religieux jusqu’à des données psychologiques, ou, ce qui revient au même et peut servir de preuve à l’opération précédente, à faire la synthèse des éléments religieux en partant de données psychologiques. Toute autre méthode est extra-scientifique, et ne peut conduire qu’à des résultats descriptifs, sans jamais fournir d’explication proprement dite.

Ceci admis, l’objet de notre travail est de déterminer, en nous plaçant à un point de vue purement général et théorique, quelles sont les lois mentales qui dominent le développement religieux, quelles sont les formules, à la fois psychologiques et sociologiques, qui, en énonçant des faits simples de l’esprit, expriment en même temps les éléments ultimes de toute religion. Trouver exactement ces formules, ce serait donner à notre science les principes directeurs que nous réclamions tout à l’heure pour elle et sans lesquels elle manque forcément de sûreté dans ses démarches et d’unité dans ses inductions. Nous ne nous flattons certes point d’avoir pleinement touché le but ; tout ce qu’il nous est permis d’espérer, c’est que les réflexions suivantes jetteront peut-être quelque lumière sur cet obscur problème, et en prépareront la solution future. Mais, avant d’exposer notre propre hypothèse, il faut dire quelques mots des théories précédemment émises, théories qui sont toutes, à nos yeux, insuffisantes et factices.

On peut ramener à deux classes principales les hypothèses présentées jusqu’ici pour rendre compte de l’origine des religions : d’une part, les hypothèses cosmologiques et philologiques, d’autre part, les hypothèses métaphysiques ou rationalistes. — D’après les premières, la religion consiste essentiellement dans une personnification des forces de la nature, personnification qui a eu pour instrument le langage, et pour résultat le culte. L’homme, en relation quotidienne avec les phénomènes naturels et les existences qui en sont le support, aurait commencé par isoler de ces existences certaines qualités qui le frappaient particulièrement, et qui étaient désignées