Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/372

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
368
revue philosophique

science des retirions, qui forme une des parties les plus importantes de la science de la culture — c’est-à-dire de l’étude des produits divers se rattachant au développement de la civilisation — est de date assez récente. On s’était sans doute depuis longtemps occupé des religions et de leur histoire ; mais on n’avait pas encore songé à faire de ces études un corps de doctrine ; on n’avait pas essayé de fixer des principes précis capables de diriger les recherches, ni de formuler des lois reliant les résultats obtenus à l’ensemble de la science du monde. Récemment, on l’a tenté de plusieurs côtés, et en se plaçant à des points de vue divers. A-t-on réussi dans ces entreprises ? L’unité systématique de cette branche du savoir est-elle constituée ? Existe-t-il vraiment aujourd’hui une science des religions ? Il est permis d’élever quelques doutes à cet égard, et de juger les synthèses proposées jusqu’ici quelque peu artificielles et superficielles. Pourquoi les résultats obtenus sont-ils contestables, et comment pourraient-ils le devenir moins c’est ce que nous voudrions chercher dans les pages suivantes.

I

L’objet de la science religieuse, si un tel titre n’est pas illusoire, doit être d’expliquer les religions, ou d’en rendre compte conformément aux conditions de toute analyse scientifique. Elle doit pour cela : 1o déterminer, au sein des manifestations religieuses, un certain nombre de règles les dominant toutes ; 2o ramener ces règles à des lois d’ordre plus général et plus simple. C’est en effet le double devoir de toute science, d’une-part, d’unifier autant que possible les faits qu’elle se donne pour objet ; d’autre part, de rapporter ces faits ainsi unifiés à leur cause immédiate. Mais dans quel domaine faut-il aller chercher les lois élémentaires dont les règles du développement religieux soient des applications ? Ce ne peut être évidemment que dans le sujet même qui sert de théâtre à ce développement, c’est-à-dire dans l’homme pensant et agissant. C’est donc la connaissance des phénomènes généraux de l’intelligence, ou, mieux, de l’activité humaine, qui seule peut nous livrer le secret des religions. L’étude des causes dans l’individu précède nécessairement l’étude des effets dans l’espèce. Comme la psychologie se réfère naturellement à des formules physiologiques, et la physiologie à des formules physico-chimiques, tout chapitre de la sociologie est, en quelque sorte, le commentaire d’un énoncé psychologique. Et cette condition du savoir a son fondement dans la nature des choses : si le supérieur