Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/364

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
360
revue philosophique

nous-même la possibilité de ce rapport d’un être à ses états ? Nous serions assurés alors que la doctrine d’après laquelle chaque chose, chaque fait ne doit être conçu que comme un acte durable ou passager de l’Être un, sa réalité, sa substance comme l’existence et la substance de cet Être, sa nature et sa forme comme une phase conséquente du développement de cet Un, n’est pas un vide assemblage de mots, et peut-être arriverions-nous au dénouement que nous poursuivons.

Or, nous n’avons qu’un seul exemple à citer de la possibilité de ce rapport ; il n’y a qu’un seul cas où nous en ayons une intuition immédiate c’est dans l’œuvre merveilleuse que l’être spirituel accomplit, non seulement en distinguant de soi les sensations, les idées, les sentiments, mais en même temps en les connaissant comme les siens, comme ses états, en donnant par son unité, dans la mémoire où il les rassemble, un lien à la série que forme leur succession. « Seule, la perception, qui tout à la fois repousse de nous l’objet perçu comme quelque chose d’étranger, et le révèle en même temps comme nôtre, nous fait voir ce qu’on entend en disant que nous concevons un a quelconque comme état d’un être A ; par cela seulement que notre attention, en établissant des rapports, embrasse dans la mémoire le passé et le présent, mais qu’en même temps naît l’idée du Moi stable auquel ils appartiennent tous deux, nous voyons clairement ce que c’est que l’existence d’un Être Un dans le changement de beaucoup d’états, et qu’une telle existence est possible ; par cela, donc, que nous pouvons nous apparaître comme de telles unités, nous sommes des Unités[1]. »

Nous pouvons donc affirmer l’existence d’êtres spirituels qui nous ressemblent et qui, sentant leurs états, et se posant, par rapport à eux, comme l’unité sentante, satisfont ainsi à la notion d’un être. Nous affirmons en outre, dès qu’elle nous apparaît maintenant comme possible, et pour les raisons déjà énumérées, l’Unité du véritablement Existant, qui est, pour les êtres spirituels eux-mêmes, le fondement de leur existence, la source de leur nature particulière et la vraie force active en eux.

Y a-t-il d’autres êtres ? Les choses proprement dites existent-elles ? Pour exister au sens que nous venons de dire, il faudrait qu’elles fussent plus que des choses ; elles devraient participer du caractère de la nature spirituelle ; elles ne pourraient en effet se distinguer de leurs états que si elles s’en distinguaient elles-mêmes ; elles ne pourraient être Unités que si elles s’opposaient elles-mêmes, comme telles,

  1. Page 191.