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PENJON. — la métaphysique de lotze

l’Un fasse émaner de soi Plusieurs et qu’il continue d’être ces Plusieurs ? La dernière philosophie qui ait proclamé, en Allemagne, avant M. Lotze, cette identité, la philosophie de Hegel, débutait par l’audacieuse maxime que dans la contradiction même se trouve la plus profonde vérité. On sait avec quelle énergie le prédécesseur de M. Lotze à l’Université de Goettingue, Herbart, prit la défense de la logique formelle. Et cependant on ne peut « arriver au but, sans supposer, dans le lointain, aux points décisifs, cette unité de l’Un et du Plusieurs[1]. » C’est Platon qui paraît encore aujourd’hui avoir le mieux traité cette difficulté et il faut en revenir au Parménide.

Socrate reconnaît sans doute qu’il serait absurde de prétendre que la ressemblance en soi est semblable à la dissemblance en soi, mais il soutient qu’un même être participant à la fois de la ressemblance et de la dissemblance peut être dit semblable et dissemblable à la fois. Son raisonnement est assez subtil. Notre auteur l’adopte, le complète, et à ceux qui invoquent les lois auxquelles notre pensée doit se conformer dans les liaisons de ses idées, il répond en leur citant des faits inconcevables et qu’il faut cependant admettre : « Si nous voulons concevoir le devenir, il est nécessaire que nous considérions l’existence et la non-existence comme fondues ensemble, sans que pour cela nous donnions aux deux notions une signification autre que d’être identiques avec elles-mêmes et différentes l’une de l’autre. Comment le devons-nous faire ? C’est ce que nous ne savons pas ; même l’intuition du temps ne nous montre que la solution opérée du problème et ne nous apprend pas comment elle s’opère ; mais nous savons que la nature de la Réalité accomplit effectivement ce qui est inconcevable pour nous… Nous nous bornons à ce seul exemple du Devenir, pour faire sentir qu’il peut y avoir en réalité bien des choses dont l’imitation par une combinaison logique de nos idées est impossible[2]. » M. Lotze est cependant obligé de faire une concession : c’est que nous sommes convaincus par l’intuition du devenir accompli, tandis que nous n’avons pas d’intuition pour nous convaincre de la même manière « que cette connexion par nous admise entre le Réel absolu et un, d’une part, et la pluralité de ses formes dépendantes, est plus qu’un postulat de notre réflexion, qu’elle est un problème également mystérieux résolu de toute éternité. » À défaut de cette intuition, qui embrasserait l’ensemble des choses, qui nous permettrait ainsi de ne voir en elles que des états divers de l’Être un, n’avons-nous pas le moyen de nous prouver à

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