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PENJON. — la métaphysique de lotze

Telle est bien, en effet, la méthode que M. Lotze emploie, non sans quelque subtilité, dans les trois parties de son grand ouvrage : Ontologie, Cosmologie et Psychologie. Il prend pour point de départ cette conception naturelle d’une « pluralité de choses stables, de rapports variables entre elles et d’événements qui résultent du changement de ces rapports mutuels[1], » et de cette ontologie primitive, à laquelle nous nous conformons tous en dehors de l’école, il s’élève, par une série de transformations successives, à la doctrine d’un Infini, dont les choses, n’étant rien pour elles-mêmes, sont seulement des états, dont se sépare cependant ce qui existe pour soi, se rapporte à soi-même et se distingue d’autre chose par une action qui lui est propre, c’est-à-dire les êtres spirituels.

I

Nous croyons trouver[2] dans nos sensations le témoignage immédiat qui nous garantit la présence d’une réalité quelconque à un moment donné. Cependant la sensation ne nous assure que de sa propre existence et ne nous révèle rien, à proprement parler, en dehors d’elle-même. Mais c’est le fait d’une réflexion déjà très avancée de penser que l’existence des choses, au lieu d’être seulement témoignée par la sensation, consiste tout entière en ce qu’elles sont senties. Pour ceux qui s’en rapportent à l’opinion commune, cette existence est indépendante de la connaissance que nous en avons, et rien ne leur paraît plus assuré. Les objets que nous ne percevons pas, disent-ils, d’autres hommes les perçoivent, et dans l’hypothèse même où toute conscience capable de les connaître

  1. Page 25.
  2. Les lecteurs de la Revue se rappellent peut-être le grand débat de M. Lotze et de M. Renouvier sur la question de savoir si l’infini actuel est contradictoire. Ils peuvent du moins s’y reporter (Revue philosophique, mai, juin 1880). C’est un des sujets les plus importants de la Cosmologie. Quel que soit l’intérêt de cette division de la Métaphysique, dans laquelle M. Lotze traite de la subjectivité de l’intuition d’espace, de la déduction de l’espace, du temps, du mouvement, de la construction de la matérialité, des éléments simples de la matière, des lois des actions, de la forme du cours de la nature, en un mot des formes en apparence préexistantes du temps et de l’espace, et des choses, des faits encadrés dans ces formes, je me borne à en indiquer ainsi les principaux chapitres. D’un autre côté, dans la troisième division, la Psychologie, l’auteur s’est surtout proposé de réunir et de présenter dans leur enchaînement systématique les points essentiels d’un livre dont la première partie a été traduite en français, il y a quelques années (Voy. Principes généraux de Psychologie physiologique, Alcan, 2e édition). Il est donc naturel que, dans cette étude, je m’attache plus particulièrement à l’Ontologie.